jeudi 26 septembre 2024

"Resonanz": l'humour des notes ne dénote pas! Lookbock sonore désopilant.

 


L’imagination comme trouvaille, jaillissement, relation inattendue, mais aussi comme atelier d’imagerie intérieur et faculté à laisser libre cours aux représentations mentales. Voilà qui pourrait définir l’état d’esprit de ce concert de l’ensemble à cordes Resonanz.

Enno Poppe nous conduit dans une forêt de trèfles à quatre feuilles illustrée par quatre quatuors à cordes sur scène (Wald), tandis que François Sarhan compose, varie et rumine (Covaru) les effectifs potentiels de l’ensemble, du soliste au quintette. Joanna Bailie, toujours en quête de visions sonores, propose quant à elle une transposition musicale du temps d’exposition photographique (Residue).


François Sarhan
, Covaru (2024 - création mondiale) 

On reprendra bien un brin de François Sarhan! Notre espiègle vedette du festival MUSICA -on se souvient de son flipbook des années 2019-collector- et on feuillette sa dernière oeuvre du bout des oreilles qui n'ont pas de paupières.Il pleut des cordes ou des hallebardes de violons, violoncelles et contrebasse pour cet étrange formation de musique de chambre bien chambrée et cet "orchestre" inédit en demi-courbe comme un amphithéâtre résonnant. En robe des chants, cette musique impromptue, innocente autant qu'impertinente. Les sons fusent, s'évaporent en élixir de jouvence et part des anges. Perles de musique, petites touches discrètes des cordes pincées, unisson des archets qui frottent, glissent, tapotent les cordes. Glissandos et lamentos au menu de ces dégringolades sonores humoristiques. Plaintes ou gémissements langoureux, pleurs des cordes tendues qui ne cèdent pas ni ne plient. et décapantes à souhait. La surprise est de bon aloi et l'on se fraye un chemin de traverse dans ce foisonnement de sonorités spatiales. Du suspens aussi quand la contrebasse tente de remettre un peu d'ordre parmi cette tribu joyeuse. Murmures feutrés des répétitions, reprises en vagues successives. Des voix enflent, accélèrent le tempo, des percussions des mains en claquements irréguliers, des miaulements: le bestiaire de Sarhan  est une belle assemblée démocratique dans ce forum délicieux de l'humour, de la recherche de laboratoire fou trac et savant d'un Merlin l'enchanteur du son. Allez, on y retourne immédiatement!



Joanna Bailie
, Residue (2024 - création mondiale)
Promenons-nous dans les forets sans bois et les cordes pour scruter une clairière de sons toujours dispersés en forme de demi-cercle.Bien serrés, en accord -raccord pour un corps à corps avec la musique. Le chef, aux aguets de cette oeuvre douce, lente, hypnotique et soporifique aux virées spatiales oniriques de toute beauté. On se prend à rêver sur le fil tendu des notes et tenues des phrasés amples et délicieux.




Enno Poppe
, Wald (2010)

Les sons courent, se rattrapent, se doublent dans cette course poursuite en introduction, préambule musical. S'allient, s'associent pour que l'ensemble des cordes, 16 musiciens aguerris à la fantaisie s'installent dans une ambiance mouvementée. En montées-descentes successives, en ricochet comme des passations de sons que l'on attrape au vol pour les confier à son voisin qui en fait une interprétation. Jovial et ludique univers de glissades, incidents, chutes sonores en série. Des entrechoquements, hachures et rires en cascade pour cette réunion, assemblée  et sons des voix, des souffles. Scies et autres engins évoqués en filigrane. Des sons du quotidien de machines nous plongent dans le labeur de machines enrouées, grippées. Grincements, râpes pour mieux deviser de concert dans cette agora de cordes qui bavardent à loisir. Conversation, discours, harangue sympathique au public qui n'en est pas exclu. Les rouages de cette création bien huilés et fonctionnant dans des touches d'humour des notes et de détente d'écoute  Indisciplinée et audacieuse cette pièce fonctionne à plein et déliés et tente de surnager d'un délire salvateur. Virulence d'un tempérament vif, qui déferle en vagues successives en ascenseur pour un échafaud  sans guillotine dans une rapidité finale incongrue et surprenante. Un concert-cocktail de bienfaits anti académiques qui fait du bien.


Ensemble Resonanz
direction | Peter Rundel

A la Cité de la Musique et de la Danse dans le cadre du festival MUSICA

mercredi 25 septembre 2024

"Soeurs" Ellen Arkbro | Sarah Davachi | Lyra Pramuk | Éliane Radigue: un océan de sororités...

 


CONCERT | PROGRAMMÉ PAR LE PUBLIC

durée 3h

Occam Océan, c’est le « vertige inimaginable de l’infini des longueurs d’ondes », selon les mots d’Éliane Radigue.

L’œuvre — un des phénomènes musicaux majeurs de ce début de XXIe siècle, disons-le — a été conçue par transmission orale à partir de rencontres avec chaque musicien·ne de l’Onceim et d’une demande initiale de la compositrice : « faites-moi des vagues ». Comme des chemins dans une mer immaîtrisable, la matriarche de la création musicale trace les flux d’une possible sororité sonore, de surfaces en profondeurs. Se joignent à elle au cours de ce concert fleuve, les organiques Sarah Davachi et Ellen Arkbro, et la diva électro-lyrique Lyra Pramuk.


Ellen Arkbro, For Orchestra (2022)
Ellen Arkbro est une compositrice et une artiste sonore qui travaille principalement sur l’harmonie variable en intonation juste. Son œuvre comprend des compositions de longue durée pour des ensembles ainsi que des environnements sonores électroniques sous forme d’installations et de performances en direct, utilisant à la fois des instruments acoustiques traditionnels et des synthèses sonores algorithmiques numériques.
For Orchestra est composée pour et avec les musicien·nes de l’Onceim en collaboration avec l’INA-GRM, cette pièce est créée pour la première fois en public lors de la soirée Akousma #7, au studio 104 de la Maison de la radio et de la musique, à Paris, le 29 mai 2022

En une lente introduction sonore par couches et apparition successives des instruments, se révèle une atmosphère plane, horizontale.. Cordes, percussions et piano s'épousent, se doublent ou prennent la vedette. Dans une vaste étendue longiligne, le son  est espace sans frontières, nappes de brouillard ou nuées acoustiques qui renforcent cette notion d'unisson. Les contrebasses et violoncelles en font une plongée sub-aquatique et marine de toute beauté et grandeur impressionnante. Dans l'Eglise ST Paul, aux arches illuminées du choeur, on déguste allongé, les réverbérations sonores à loisir.


Sarah Davachi
Sarah Davachi compose des expériences. Ses environnements sont basés sur une approche musicale à la fois minimaliste et englobante et une physicalité psychoacoustique. Ces mondes “irréels” évoluent lentement, et les drones précis de Davachi, son goût de l'harmonie, des tonalités implicites et des motifs décalés les font osciller entre motricité et immobilité, avec une expressivité et une force évocatrice intelligemment dissimulées dans les vibrations sonores.

A l'orgue monumental s'est installé l'interprète, gardienne et source des sons sortis de ce buffet splendide personnage, immense soufflet des résonances vibratoires. En un long souffle tenu dans le cosmos, des stratifications et superpositions de sonorités s'épanouissent dans le champ immense de l'architecture enveloppante. On quitte les pupitres de l'orchestre pour se tourner physiquement face au monstre vibratoire. Au buffet d'orgue on se restaure sans modération de cette apesanteur et dilution des sons. Des ondes sans fin se disperçent dans l'espace, vibrant, pulsant: l'instrument immobilier dans toutes sa splendeur irradie et les vibrations au sol sont impressionnantes. Personnage et acteur de l'opus dans un univers quasi hostil et menaçant, étrange, la rencontre avec les vents est un acte créatif commun et unique. Les sons tournent, s'installent, planent, déferlent selon les tempis, en boucle sempiternelle, à la tombée de la nuit. Crépuscule du soir qui s'allonge et se poursuit, s'étire et prolonge la temporalité.

Lyra Pramuk
Lyra Pramuk, explore une compréhension post-humaine et non-binaire de la vie. L'artiste basée à Berlin fusionne la rigueur du classique, les sensibilités de la pop, les pratiques de performance et la culture contemporaine des clubs. Formée à l’opéra et musicienne électronique, elle créé entièrement à partir de sa propre voix un voyage émotionnel et joue avec la perception de la musique, des rythmes, de la parole, du corps et de la relation entre la technologie et l’humanité.

Un guéridon, une table un peu kitsch et le décor est planté: les points de vue du concert changent, et, nomades, on se balade avec son cousin-valise, comme pour choisir son emplacement, son voisin : un terrain de jeu pour l'auditoire qui n'est pas sans charme ni intérêt. Écouter la musique dans des postures variées, expérimenter le son au sol, près du corps palpitant de son voisin ou rester assis sur du dur sur les bancs de bois des stalles. Un rituel cultuel et culturel passionnant et plein de surprises physiques. Une guitare, une voix et deux interprètes fascinantes par leur présence, jeu et proximité. De l'écho pour les émissions vocales, doublage et doublure des mots émis distinctement. Tout se fait ascension émotionnelle et vibrante, en réverbérations multiples, en ricochet pulsatiles. Ample et planante atmosphère rehaussée par le jeu de mains, l'expression du visage de la chanteuse. Un solo de guitare, une voix aux accents graves et diffus, voix monacale d'un officiant, à genoux ou assis: petite et grande cérémonie rituelle qui plonge dans un univers sacré de désir, de sensualité, d'interdits d'interdire les sensations originelles. La main levée d'un tendre prédicateur de bon augure dans le corps et l'attitude de de Lyra Pramuk en poupe.  Comme une litanie, une prière païenne au sein d'une cathédrale de sons et de souffles. L'amplification tournante, enivrante des sonorités comme flux et reflux  en reprises et répétitions. Volume et timbres à l'affut et en symbiose avec une dramaturgie narrative des sons qui bouleverse. Un fabuleux voyage sidéral.


Éliane Radigue, Occam Ocean (2015)
Disciple de Pierre Schaeffer et assistante de Pierre Henry, Éliane Radigue a développé une œuvre originale où confluent la musique concrète, le minimalisme américain et le bouddhisme.
Occam Ocean est un projet exceptionnel, fruit de deux ans de travail entre l'artiste et les musicien·nes de l’Onceim. Ce cycle composant une œuvre, dit-elle « par nature inachevée parce qu’inachevable », initie, aujourd’hui une nouvelle série de pièces dédiées pour la première fois à un grand ensemble.
Le choix et l’utilisation exclusive de sons continus, dit drones, situent l’esthétique d’Eliane Radigue à la croisée des courants minimaliste, électronique et spectral. La dimension spirituelle de ses pièces donne à sa musique un caractère méditatif
.

Au final et toujours face aux arcades gothiques illuminées du choeur, deux guitares caressent leurs cordes avec un archet: lentement, doucement, religieusement. Délectation de ces instants fugaces, ténus et plein de suspens. Sons intimes qui s'allongent et seront  un rituel païen qui soude l'auditoire et en fait un public actif et très présent.L'orchestre irrade et se fait acteur et passeur d'une ambiance onirique jamais passive ni assoupissante. Au contraire, stimulante d'images, d’icônes et de sensations multiples de frissons sonores. Retour au calme, avec les archets glissant sur les cordes des guitares...

Onceim
direction | Frédéric Blondy—
Sarah Davachi I orgue
Lyra Pramuk & Jules Reidy | performance

mardi 24 septembre 2024 — 20h30
Église Saint-Paul dans le cadre du festival MUSICA

 



lundi 23 septembre 2024

"L"épicerie solitaire" : la vacuité de l'espace domestique en sons. Commerçant d'une boutique fantasque onirique.


EXPOSITION

Depuis une vingtaine d’années, François Sarhan a cultivé le personnage fictionnel du Professeur Glaçon. Encyclopédiste, conférencier, grand rassembleur esseulé de la disparité collective, petit négociant du sens modestement rabouté Sarcastique en diable, d’une sagesse incommensurable. Chez lui, au premier coup d’œil, rien ne semble vraiment cohérent, et pourtant, tout se tient. Car pour le Professeur Glaçon, le collage infini, l’écriture automatique ou la combustion musicale spontanée sont des réponses à l’explosion formelle de l’art. De la multiplicité ingouvernable sont nés un monde parallèle animiste, une épicerie et son arrière-boutique.


Pas de quartier pour cette épicerie citadine solidaire de proximité!

Il n'a rien d'un épicier, marchand d'une boutique d'épices, mais c'est en scénographe décoiffant que François Sarhan pose son regard, son écoute sur le monde. Nécessité d'intervenir sur les clichés qui enferment la notion de monstration, de commissaire d'exposition, . Alors dans ce bouleversement de "points de vue" on se balade à l'intérieur d'un petit appartement occupé par les reliefs d'une vaisselle empilée dans une cuisine ouverte, sauf que tout est collage, découpage et suspension d'assiettes en carton, en trompe l'oeil.


Epicerie fine

L'espace est bluffant, on perd ses repères spatiaux et dans ce leurre de perspectives on perd pieds. Et c'est le but: celui de déplacer les corps et les esprits, ailleurs en toute simplicité, en acceptant de se déraciner un peu de nos fondamentaux. Profiter de cette épicerie en solitaire, c'est aussi rendre visite à un artiste qui chérit l'art brut de coffrage, l'instinct, le sensible et le "jamais encore vu ni ressenti". Hors norme et sans chichis ni falbala comme ses créations musicales théâtralisées, comme sa passion pour la transgression de ce que l'on apprend sans le vivre. Une échappée belle dans l'univers de l'artiste à vivre comme un anti-client d'un commerce étrange. 


Un Sarhan, ça trompe énormément

On saute sur l'occasion pour se décaler et apprécier la justesse de la naïveté de Sarhan, de sa crédulité à savourer les petits plats du quotidien dans un bric à brac en vrac, un joyeux bazar pluriel de la diversité. 


Attention aux perspectives fuyantes lors de la visite et poussez le rideau de velours noir pour regarder et écouter les voix du monde. Cocooning comme récompense de votre curiosité!Durable, équitable, bio? Cette épicerie de proximité en milieu urbain est un phénomène à ne pas rater et "visiter" sans modération dans ce quartier touristique à la Martin Paar où tout semble programmé et caricatural... .


Lire: "A taste for Mulhouse"  Auteur Martin Parr Éditeur Médiapop

,du ven 13 sept au jeu 3 oct

vernissage jeu 12 sept - 18h30
QG du festival - Ancienne Poste - place de la cathédrale

 

dimanche 22 septembre 2024

"The People united will never be defeated !" Hymens...Hymnes à la liberté.


RÉCITAL:À partir du chant révolutionnaire chilien El pueblo unido jamás será vencido (Le peuple uni jamais ne sera vaincu), Frederic Rzewski compose en 1975 une œuvre majeure du piano contemporain.

En 36 variations d’une étonnante liberté et d’une beauté intense, c’est l’histoire des luttes du XXe siècle qu’il fait résonner, comme l’illustrent deux autres mélodies qui habitent la pièce, le Bandiera Rossa italien et l’hymne antifasciste Solidaritätslied de Hanns Eisler. « Elles apparaissent, écrivait le compositeur, pour mieux souligner les similitudes entre les menaces fascistes présentes et passées, et insister sur l’importance d’en tirer les leçons. »


Frederic Rzewski
, The People United Will Never Be Defeated! (1975) piano | Ralph van Raat

Il est seul en compagnie d'une mélodie fétiche des libertaires. Seul mais avec 36 versions de cet hymne à la liberté et le voila, ce virtuose à exécuter par cœur sans partition cette œuvre atypique.L'originale version fait figure de prologue, d'introduction à toutes celles qui vont prolonger notre écoute et varier selon hauteur, rythme, ton et autres modalités de facture de composition. Tantôt version "romantique",  à petits pas légers, foisonnante, à la dérive, divagations, chemins de traverse et sentiers de l'âne. C'est surprenant et envoutant, la mélodie s'effaçant devant l'inventivité et l'ingéniosité du compositeur. Prolongement, adaptation de l'hymne en font de multiples interprétations , fluides ou segmentées, colorées ou vindicatives. Toujours dans des tonalités qui échappent à la formule d'origine. La dramaturgie de l'ensemble nous proposant un savoureux cocktail sensitif et émotionnel. En glissements, soubresauts et autres systèmes ingénieux de fabrication musicale. Parfois version mondaine de salon, ou agressive et virulente proposition populaire et militante. De quoi réjouir tout un public réuni ce matin là salle Ponnelle par curiosité et appartenance politique diversifiée. Distingué ou affolé voici ce slogan chanté en mode transformation et mutation perpétuelle et permanente. Soulèvement ou berceuse, on pénètre dans divers univers culturels, géographiques et sur d'autres continents. Ces variations virtuoses, alertes, pleine de tonus troublent et engendrent une réelle empathie avec l'oeuvre. De toutes ces évasions, on retourne au sol en un atterrissage soigné: retour aux sources de l'inspiration première, fondement de cette gigantesque proposition musicale. Ralph van Raat au sommet de son génie d'interprète. En rappel, une oeuvre de Debussy et d'un compositeur hollandais, généreuses prestations supplémentaire impressionnantes, toujours par "corps", par coeur!

A la salle Ponnelle dans le cadre du festival MUSICA

"Cavacar": l'Ensemble L' Imaginaire et Sergio Rodrigo face à face.


 Une nouvelle génération dessine l’horizon de la création musicale en affirmant ses racines. C’est le cas de Sérgio Rodrigo qui développe une écriture musicale singulière à partir de sa culture brésilienne natale au prisme des enjeux politiques du métissage.

De cette petite guitare qu’il pratique en contexte populaire, le cavaquinho, il a transposé des sonorités, des rythmes et des modes de jeux, mais aussi et surtout une conception horizontale des cultures, des genres et des gestes. Interprétées par L’Imaginaire, ses partitions sont des récits intérieurs, des environnements, des corps et des attitudes.



Sérgio Rodrigo
, Cobra arco-íris, pour piano seul (2023)
Sérgio Rodrigo, Cosmogrammes, pour flûte basse seule (2023)
Sérgio Rodrigo, Cavacar, pour flûte, saxophone et piano (2023)

  1. You learned our nothing
  2. We are the invisible man
  3. Selfie with Milton, Hermeto and Moacir
  4. You exist and you are important to us
  5. Nana


Thibaut Tupinier, clarinette
Hugo Degorre, accordéon
Marin Lambert, percussion

 

Sergio Rodrigo et l'Ensemble l'Imaginaire


Sérgio Rodrigo un compositeur et multi-instrumentiste brésilien. Sa pratique artistique transite entre la musique classique contemporaine, la musique populaire brésilienne, improvisation, bande-son et création avec des ressources technologiques. Il collabore fréquemment avec des groupes consacrés à la musique de concert contemporaine, explorant également les échanges avec la musique populaire et des partenariats avec des artistes de la littérature, des arts visuels et du cinéma.

     Sa trajectoire académique consiste en une recherche d'une intégration entre l'activité de composition et la réflexion sur la création artistique. Pendant son master, il a présenté une réflexion sur la création musicale fondée sur la philosophie de Gilles Deleuze, sur la production pédagogique de Paul Cézanne et Paul Klee et il a abordé son propre processus de création en dialogue avec ces auteurs.

"Cobra arco-íris", pour piano seul (2023 – création)

Un opus intimiste où le piano en solo perle les notes dans une virtuosité sidérante : c'est un exercice remarquable d'interprétation méticuleuse pour engendrer une ambiance singulière.

"Cosmogrammes", pour flûte basse seule (2023 – création). Cette oeuvre est remarquable pour ce qu'elle délivre de tension, de recueillement et de concentration: il faut dire que le souffle de l'artiste très engagée, Keiko Murakami, est du "jamais entendu", inouïe performance de 25 min. L'interprète aux aguets, à l'affut, en préfigurant, anticipant chaque instant musical.Sons de clapets en écho, petit métronome constant du bout des doigts et jeu corporel engagé à l'appui. Un rythme haletant, audacieux et surprenant sourd de l'instrument comme un mugissement, un râcle: animalité de cette musique très charnelle, puissante et sensuelle. La cadence, la frappe aux abois pour un opus remarquable. Une performance qui maintient le publique en alerte, en haleine. Un miracle sonore des plus convaincant.

"Cavacar", pour flûte, saxophone et piano (2023 – création). 35 min.

"En tant que compositeur j’adopte une posture de « cavacar » les instruments pour lesquels j’écris en cherchant de nouvelles approches et techniques, en concevant chaque instrument comme un médium propice à la circulation de processus cinétiques et articulatoires spécifiques en accord avec cette conception rythmique.  Le jeu du cavaquinho relève d’un champ sémantique qui exprime le geste même qui implique son exécution : cavacar signifie creuser, remuer, tourner, tordre. C‘est sur le cavaquinho que j’ai commencé, tout jeune, à improviser, ou « cavacar » mes premières compositions. Musicalement, cavacar signifie activer et agiter la matière sonore par des gestes et des techniques spécifiques. C’est sa nature-même (celle d’un instrument à court temps de résonance) qui favorise un type de geste qui cherche une réactivation sonore permanente. C’est donc le rythme lui-même qui naît d’une condition fragile, d’une sorte de résonance minimale qui appelle un engagement corporel spécifique. Un aspect fondamental de mon approche de la composition réside exactement dans cette image qui entrelace le corps sonore et le corps humain"

. C'est comme une averse, une pluie de notes par temps gris. Des hallebardes en continu de notes et sons nous propulsent à bras le corps dans une atmosphère particulière: le trio comme une partition commune qui chaloupe, danse, se meut à travers les corps médium des interprètes. Des frappes sur les cordes du piano, des frottements sonores pour les vents: saccades, éclats et spirales du souffle, tectonique puissante du son. Un déchainement cacophonique sème le désordre, l'accalmie alterne pour une sorte de mélodie fluide: flux et reflux, remous, vagues déferlantes en alternance. Tempête et assauts de musique pour couronner ce combat sonore. Cette lutte en proie aux éléments fondateurs: rythme, hauteur, cadence et polyphonie de sons incongrus. En cercle autour du piano, le trio concocte une potion magique hallucinante qui conduit au ravissement: magie et hypnose se détachent de cette oeuvre passionnante, inédite, inouïe.

    Sérgio Rodrigo a étudié la composition à l’Université Fédérale de Minas Gerais (au Brésil), à l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, à Rome, et au Conservatoire de Strasbourg. Son travail de recherche en doctorat, mené sous la direction de Grazia Giacco, porte sur la relation entre l'expérience du rythme musical et l'immersion dans la matière sonore à partir des pratiques musicales de matrices afro-brésiliennes.

Ensemble L’Imaginaire
flûte | Keiko Murakami
saxophones | Olivier Duverger
piano | Carolina Santiago Martinez

Dans le cadre du festival MUSICA le 22 Septembre salle de la Bourse

"Rewire #2": Orphax & ensemble | Thomas Ankersmit | Grand River & Abul : le cosmos musical , planète terre et ciel.

 


CARTE BLANCHE


durée 3h

Le second volet de la carte blanche au festival Rewire est une échappée dans le ciel des électroniques introspectives d’aujourd’hui.


Orphax & ensemble, En de stilstaande tijd (live)

Orphax alias Sietse van Erve déploie sa fabuleuse machine à ressentir le temps en compagnie d’un trio acoustique.Et c'est l'envol plané d'un moment magnétique, cosmique au coeur de l'Eglise ST Paul, dorénavant le "lieu", l' "endroit" où la musique électroacoustique prend ses marques durant le festival MUSICA. Un écrin acoustique, une accessibilité au sol pour poser, étendre son corps, le temps de la vibration des ondes et palpitations de l'oeuvre. Les instruments acoustiques comme des révélateurs de l'ambiance, la doublure en cousu main des sons émis par l'électronique savante. Du charnel et de l'artificiel pour jouer du leurre et des métamorphoses polyphoniques.

Avec
musique et électronique | Orphax
violoncelle | Marie Schmit
flûtes | Anne Gillot
clarinette basse | Gareth Davis

 Thomas Ankersmit, Een aantal locaties (2024 - création mondiale) (live)

En maître ès modulaire, Thomas Ankersmit nous réunit autour du mythique synthétiseur Serge avec un projet inédit, dévoilé à Musica : « une sorte de musique concrète, mais entièrement faite de signaux électriques analogiques »

.C'est la guerre atomique, les salves, les bombardements qui font irruption dans ce chaos sonore troublant, émouvant, déboussolant de vérité Certes, nous sommes bien à l'abri des bombes et de leurs tourments, des mines et autres instruments de guerre. Mais si nos corps allongés étaient ceux des victimes de ces trombes de balles et de tonnerre furieux? C'est un moment crucial et hallucinant de tonus, de grésillements, frottements et autres sons de déflagration inquiétants...


Succède en contre point spatial l'opus de Grand River & Abul Mogard, In uno spazio immenso (live) 

A commencer par la sensation ambient de la rentrée 2024, la collaboration entre Grand River et Abul Mogard — aka Aimée Portioli et Guido Zen — tout juste paru sur le label light-years de Caterina Barbieri. Une ambiance planétaire, cosmique aux couches linéaires planantes pour clore cette nuit

 A ST Paul le 21 Septembre dans le cadre du festival MUSICA

 

 

"La Persévérance" Ensemble Klang & Asko|Schönberg: Alarmes citoyens!

 


Quand une fanfare à grand renfort d’instruments à vent croise le chemin de la musique contemporaine.

Fondée par Louis Andriessen et le saxophoniste Willem Breuker en 1971 pour jouer dans la rue et sur le terrain des luttes sociales, De Volharding (La Persévérance) est une formation iconique aux Pays-Bas dont les ensembles Klang et Asko|Schönberg animent aujourd’hui l’esprit et le répertoire. Pour Musica, les musicien·nes néerlandais·es interprètent des pièces emblématiques issues d’un répertoire de plus de 300 œuvres et couronnent leur programme d’un ciné-concert, M is for Man, Music, Mozart, né de la collaboration entre Andriessen et le réalisateur britannique Peter Greenaway.


 Démarrage de la soirée au Maillon, en fanfare avec l'oeuvre de Steve Martland, Danceworks 1 & 2 (1993) . Le chef danse déjà, le corps animé de mouvements chaloupées, ondoyants, tête et cou vrillés. C'est déjà de la danse minimale et fort belle à regarder, lui de dos bien entendu! Opus jovial, très entrainant, chaloupé, articulé,, membré de ses instruments à vent qui ont le souffle en poupe.  Dix en tout, toniques, face à un piano, une guitare. La puissance du basson, les répliques des trombones, tout concourt à un joyeux stunami sonore très vivant, balayant les feuilles mortes du concensuel. Un second mouvement introduit une sorte de mélodie entre jazz et ragtime, très remuante, rytlmé, éclatante. Une oeuvre de bon augure pour ce concert.


La seconde, de Julia Wolfe, Arsenal of Democracy (1993) est une alarte virulente, une alarme contre des menaces. Sur le qui vive toujours des déflagrations annoncent danger, et appellent à la riposte pas au consentement. Des sirènes, des secousses tectoniques de musique, des salves parcourent l'espace, la guitare sursaute et semble échapper aux mains de l'interprète. Le piano s'échine, entêté à briser ou renforcer ce chaos, cette débandade notoire. Les niveaux sonores, très contrastés en font tout un discours d'assemblée mouvante sur la "démocratie" gouvernementale. D'actualité brûlante...Prises de paroles des vents dans cette Agora fertile qui semble ne pas se laisser submerger. Forum aux ébats et débats houleux, plate-forme populaire et poétique du droit à la Musique pour tous.

 Succède l'oeuvre deAnna Meredith, Nautilus (2011) Sans naufrage ni débâcle, ce Nautilus navigue en eaux profondes sans heurt à grands coups de répétitions: sonneries d'alarmes de surveillance en délire incessant et obsessionnel, en fond sonore euphorisant, enivrant et hypnotique. Cacophonie joyeuse et prolixe, organisée, savante, multidirectionnelle à souhait. Telle une chevauchée de Western, où les klaxons seraient cris et bruits divers. Le chef prend la batterie en mains à contretemps, en frappes régulières, métronomiques. Fatras, bienvenu et décoiffant!


Au final, un "ciné concert" pour les nostalgiques du cinéma de Peter Grenaway et de son "Ventre de l'architecte" au fond "des jardins anglais"...Peter Greenaway & Louis Andriessen, M is for Man, Music, Mozart (1991)

Un petit bijou du genre où l'on retrouve avec bonheur la matière sépia mordorée des images de grimoire magique du réalisateur. Organiques, sensuelles, ces icônes parcourent le film et la musique se fond, langoureuse dans cet univers aux M magnétiques. Le M du mouvement l'emportant sur le reste. La danse de deux déesses nues, d'un faune également nu et poudré fait le reste.C'est comme au cabaret, au hammam, les enluminures exotiques et cachées, énigmatiques et secrètes se révèlent à l'oreille. A l'affut de cette virée fantasque dans le monde du luxe, du calme et de la volupté. Ballet érotique de nymphes gracieuses aux postures classiques, solo du gentil démon acrobate et virtuose, séducteur dégenré. Les agapes, la déca-danse au menu. Un coté expressionnisme allemand, ou pictural pour cette "leçon d'anatomie", ce laboratoire esthétique aux accents de musée. Sur une table de dissection simulée, un corps se love et jouit de sa beauté. Danse macabre, danse d'écorché dans un cabinet de curiosité. Momie organique, rituel du sang, du liquide: la musique épouse cet univers sensuel, de chair et de bruissements. Kurt Weill en filigrane ou autre un intrus comme références et citations. Douceur suave de la formation musicale après extinction du film pour repartir sous le charme peu discret de Greenaway. Nostalgie, j'écoute ton nom.


direction | Joey Marijs
voix | Michaela Riener


Ensemble Klang / Asko|Schönberg
flûte | Marieke Franssen
cor | Elisabeth Otra
trompette | Bianca Egberts, Maarten Elzinga, Arthur Kerklaan
trombone | Anton van Houten, Koen Kaptijn, Marijn Migchielsen
saxophone | Michiel van Dijk, Daan van Koppen, Erik-Jan de With
basse électrique | Jordi Carrasco Hjelm
piano | Saskia Lankhoorn


dans le cadre de Nord Sonore, musiques aventureuses des Pays-Bas - projet initié par et avec le soutien du Performing Arts Fund NL

Au Maillon le 21 SEPTEMBRE dans le cadre du festival MUSICA