samedi 25 juin 2011

Madeleine Millot -Durrenberger publie un nouvel ouvrage photographique:"Invivable deux"

Sur les vanités, la collectionneuse strasbourgeoise avait déjà exposé, réfléchi à cette forme stylistique chère aux artistes: la mort, le crâne, les danses macabres, un thème récurent dans l'histoire de l'art. Et pour la photo, qu'en-est-il???
Vous en saurez un chapitre en acquérant la toute dernière parution de la collection d'ouvrages dédiés à la photographie plasticienne où Madeleine Millot a convoqué des rédacteurs de tout bord pour accompagner, souligner et prolonger le travail des artistes sélectionnés pour abreuver sa réflexion!
Et voici le texte accompagnant une photo de Salvatore Puglia "Vanitas" de 1993.qu'elle m'a confiée .
Où il est question du corps , de sa pérennité, de son effacement, de sa disparition, de sa perte: quand il ne danse plus, quand il ne danse pas!

VANITAS
Salvatore Puglia 1993

Ceci n’est pas un crâne.
Cerneau de noix, réceptacle de sot l’y laisse, creuset de clavicule, ceci n’est pas vanité de vanité….Abreuvoir aux oiseaux, en suspension, recto verso, flottant éperdu  dans son cadre de plomb comme un drapeau, une bannière se balançant à la brise. Peu conforme à la définition d’un genre curieux, venu des temps immémoriaux. Plutôt berceau, enclave. Creuset radiographique, cerné entre deux plaques de verre, gravées de graffitis étranges, énigmatiques, gribouillées, griffonnés à fleur de grés, non identifiables.
Lovées  dans les interstices d’une sculpture improbable, les volutes de cette sculpture improvisée se déroulent, s’emmêlent dans une voluptueuse  calligraphie radiographiée.
Face de crustacée, d’être archaïque, fossile des temps modernes, archéologie du futur.
Qu’adviendra-t-il de ce faciès béant, ouvert à tous les vents, figé, attentif au moindre soubresaut de la mémoire ? Os translucide, traversé par les rayons irradiants d’un processus de transparence. Qui pourtant ne dévoilera aucun de ses secrets.
Noix tranchée dans le vif, délivrant méandres, symétrie implacable et fantaisie de l’aléatoire.
Transparence qui ne révèle qu’une apparence de chair gouteuse, savoureuse.
Signes cabalistiques qui semblent conter après la bataille, les  pérégrinations d’une noix, vouée à un destin singulier, au-delà des pinces maléfiques d’un instrument dénommé « casse noix ». Et si d’aventure, les reliquats de cet épisode fatal étaient la mort ?
Danse macabre de la camarde, instrument de nos fantaisies sur la fin de nos destinées.
Face angélique d’animal marin, fossilisé à jamais dans les strates d’une glaise enrobante, manifeste de la futilité du passage trop bref de la vie hors des marées, hors des strates rassurantes de l’éternité. Comme une libellule déployée au sein d’un formol au cœur d’un bocal, consignée par des savants entichés de modernité, cet os spongieux se manifeste, volant, nageant, immergé dans un bain tiède hypnotique.
Vision déroutante de la science immergée au cœur de nos vies chancelantes.
Ceci n’est pas un crâne, ni une face béante d’animal fantastique. Ceci est lumière, ceci est frange auréolée, translucide, pénétrante d’incertain, d’inconnu.
Découpe au scalpel d’une tranche de vie, de mort, d’attente.
Scalp, découpe, profil banalisé. Intérieur dévoilé d’une tête décortiquée d’animal, d’homme voué au sort de chacun. Inéluctable, incontournable. Tel un poisson chat flottant avant d’amerrir à tout jamais, tel un poisson lune au plein de son épiphanie, voici l’icône épanouie de la camarde introvertie.
Geneviève Charras 

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire