Chassé-croisé, musique-image survoltées.
Ou le cinéma, art du mouvement et du rythme!
La "kiné" de Chaplin, sublimée!
On avait déjà fait connaissance avec Benedict Mason et l'Ensemble Modern avec deux pièces courtes truculentes: "Two Picolo Trumpets for Sava Stoianov" et "TwoCornetti for Valentin Garvie". Un régal de sons inédits, soufflés et joués avec l'humour et le détachement de deux musiciens, pitres en diable!Gestes et mise en scène à l'appui, burlesques et fanfarons personnages, faits de tout petits riens.
Nul doute que se confronter à l'oeuvre de Chaplin, les films muets de son début de carrière-1917- allait de soi!
Mais comment oser rallier musique, son, voix et "cinéma muet" quand on sait que dans l'image muette en noir et blanc tout concourt au sens par le geste et le mouvement, justement pour pallier à l'absence de son, donc de paroles, de mots, de musique. Seuls les pianistes étaient jusqu'alors habilités à accompagner ce genre d'œuvre avec plus ou moins de bonheur...
1917: trois œuvres signées du réalisateur Charlie Chaplin font l'objet de l'expérience "semi-operatic Filmspiel" de Benedict Mason en 1988.
"Easy Street" nous rappelle qui était Charlot: un mime, un acteur né dans la banlieue de Londres en 1889 où il passe son enfance livré à lui même de père et mère chanteur et danseuse sombrée dans la folie.A dix ans il s'essaie au music-hall comme boy puis danse les "gigues" dans la compagnie des Lancashire Lads avant d'intégrer la célèbre troupe de"pantomime Karno" à Londres.Il y apprend le mime, l'acrobatie, le rire funèbre,la danse, la mélancolie désopilante, la jonglerie.C'est Mack Sennett qui lui propose alors de faire du cinéma! Sa carrière démarre et il conçoit son personnage dans "Charlot et le chronomètre": c'est dire si l'allure et le tempo de Charlot vont demeurer immortels!
C'est dans le rythme infernal de la farce anglaise que l'on plonge avec "Easy Street": il y compose son personnage dans un véritable tourbillon synthétique multipliant, les courses, les poursuites, les coups, les esquives. Il y intègre la misère, la crudité sociale, les habits de dandy vagabond, empruntant à son maitre les gros godillots, le pantalon trop large. Il élague, dépouille, remanie, stylise. Ildevient un personnage rythmique, peuplé de forces déliées, qui change les lois de la gravitation et le monde autour de lui.
Tout est dit dans le geste, le cadrage souvent en plan fixe de scènes désoppilantes, au comique de répétition. Charlot se rue dans le danger et en sort toujours vivant!
Ici, le théâtre, c'est la rue, la chorégraphie, ce sont les entrées et sorties des groupes de vagabonds, ce sont les pirouettes de Charlot, ses grands écarts, ses voltes faces, ses glissades.Dans "The Immigrant" et "The Adventurer", il en va de même et la musique magnifie les manipulations, les clowneries, les gags, la poésie de l'amour aussi, omniprésente dans ce combat "kiné- matographique"
La musique allait-elle trouver sa place dans tant de propositions, d'informations sur l'intrigue et le sens même du cinéma de Chaplin?
Et bien oui! La masse sonore, les couleurs, les tonalités, les audaces multiples renforcées par un instrumentarium et des voix, font mouche!Elle épouse l'architectonique du montage et du mouvement, souligne le fameux dandinement du derrière, le haussement et le relaché rapide des épaules, la course dans un virage, où une jambe freine tandis que l'autre se rend à angle droit. La démarche en dehors, légèrement claudicante, une façon de se recroqueviller dans des moments d'émotion offrent des gestes bornes, des gestes limites, comme autant de ritournelles Cadrant un corps peuplé de petites forces fluiudes qui entretiennent entre elles des relations acrobatiques intimes.Car la danse, la mise en scène de Chaplin sont déjà tempo, rythme et musique.
Là, Mason renforce, souligne, déborde et donne une interprétation, une autre dimension onirique aux trois films.
Une réalité aussi s'en empare rendant encore plus présents, les corps "muets" à l'écran. Ils ont encore tant de chose à nous dire, à nous conter!Avec ou sans musique!
vendredi 30 septembre 2011
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