Troisième volet des concerts dans le cadre de Arsmondo, le Japon, pliloté par l'Opéra du Rhin, assumé avec brio par l'ensemble Linéa, sous la direction de Jean Philippe Wurtz, ces instants de musique furent un pur régal.La philosophie du Japon et l'écriture occidentale s'y rejoignaient, spirituelles, métaphysiques où le temps se définit comme circulaire, suspendu et non linéaire: cyclique à l'envi, les choses y reviennent, y retournent, la musique y éclate, savante. "On n'y entend pas tout" et là réside le mystère. Belle introduction du chef, précise, poétique et fort engageante!
C'est avec- Toshio Hosokawa : In die Tiefe der Zeit 16’ pour accordéon, basson (1994-1996) que démarre la soirée dans la salle Bastide.Deux longues plaintes des instruments, deux souffles qui s'étirent, pulsent, dans les graves pour le basson magistralement dompté par Antoine Pecqueur,dans les aigus vibrants pour l'accordéon, maîtrisé par Marie Andrée Joerger. De belles vibrations communes, une complicité évidente quand les sonorités se confondent, se mélangent sur le fil de la partition. Le corps tendu, fébrile du bassiste, quasi sur la pointe des pieds, assis sans jamais l'être tant la tension l'habite et est communicative! .Les appuis, les accentuations s'y multiplient, les sons se renforcent et rebondissent: une véritable danse, une musique à regarder à travers le médium corporel très officiant. La proximité du public avec les interprètes aidant au phénomène d'empathie partagée. Comme lors d'une lutte, d'un duel, le duo renforce le volume sonore, les intensités se précisent, les corps s'investissent dans des ondulations, suspensions révélatrices de l'engagement organique des artistes.Va et vient, vagues successives, retour et ressac de la musique en font un océan de retenues, de souffles. Quelques frappés sur le corps du basson, jeu "terrestre" pour cette avancée cérémoniale, parcourue d'incidents où les graves se multiplient, colorent, soutiennent et maintiennent la pièce. Lui semble bondir, prêt à partir et fait surgir les sons dans des intonations qui reviennent, s'amplifient. Un acte de bravoure pour ces chevaliers en action.
Changement d'univers avec l'oeuvre de Toshio Hosokawa : Atem Lied 9’ pour flûte basse solo (1997) C'est au talent de Keiko Murakami que l'on doit cet instant intense d'émotion musicale. Délicate dans sa longue robe plissée noire à la Myaké, elle danse devant nous, pieds ancrés au sol, appuis qui la fond se balancer, osciller au moindre souffle de la flûte.Des sons éjectés, expulsés la poursuivent, la traquent sur le parcours musical ascendant: la flûte comme un pinceau traçant une calligraphie visuelle dans l'espace ondoyant de son corps, tendu, relâché comme l'écriture chorégraphique de Pina Bausch. C'est délectable à regarder, à observer cette 'interprète qui délivre une poésie remarquable dans son jeu. Jaillissements, feux d'artifice éclaboussants, éparpillements des sons font de "Atem Lied" une oeuvre qui libère les vannes du son, chasse le souffle en expirations et inspirations vitales qui exaltent l'instrument entre les doigts graciles et manipulateurs de Keiko Murakami. Le son file, se fraie un chemin, un passage , comme une caresse, un effleurement dans des envolées, suspensions vertigineuses... A vous couper le souffle, les yeux rivés sur la créature hybride-flûte-corps vivant- partie d'un essaim d'abeilles, d'insectes qui vibrent au dessus de nos têtes. Un instant de "grâce" inoubliable.
Suit la pièce de Tru Takemitsu (1930- 1996) : Rain Spell pour flûte, clarinette, vibraphone, piano, harpe 8’ (1983) Une atmosphère très sensitive, aquatique, pleine d'harmonie où le solo de départ de la clarinette illumine et donne le ton:vif, détaché, alerte, lumineux.Une chaîne de sonorités se déroule, se passe, témoin d'un tempo et de colorations sonores inédites.Déferlement et amplitude des sons, dialogue harpe-flûte éloquent, aérien, alors que les percussions effleurées du bout des mailloches caressent l'univers magnétique de la musique ainsi engendrée, fabriquée par cette union d'instruments si divers. La harpe, fluide, perspicace intervient pour ponctuer de ses pincements, la rivière et son flot de sons. Beaucoup d'espaces s'ouvrent dans cette composition protéiforme, planant, s'étendant à l'envi, s'ouvrant sur des paysages fluctuants.Comme un sentier qui s'ouvre sous les pas du défricheur. Goutte à goutte aussi d'une clepsydre distillant le temps, un sablier filtrant la matière sonore minérale.Dissolution finale comme un précipité inversé du son.
Après cette émotion musicale, place à - Misato Mochizuki (1969-): Pas à pas 8’ pour accordéon, basson (2000)
.Une introduction en clin d'oeil à la musique du XVII ème siècle de Bertolini, pleine d'humour de la part des interprètes complices d'un phénomène musical réjouissant, et voilà un jeu de scène galant, précieux qui se révèle comme une révérence, une danse, dans des pliés et virevoltes éloquents.Respirations répétitives de l'accordéon qui berce et se balance.Claquettes sous les pieds du bassiste qui frappe sur des castagnettes rivées au sol...L'accordéon se compresse, s'étire, on va bon train, tout se précipite, s'emballe dans un rythme jouissif, une musicalité industrielle, mécanique redondante qui sublime les sonorité dans un tempo d'enfer! Accélérations diluviennes, ascensionnelles, crescendos allègre à perdre haleine!
Une histoire, une narration sonore se profile, imaginaire des timbres, démarches volontaires, rythme d'un "marcheur" en action.
Puis une lente descente, affaisement ou perte des forces, dépenses, dégringolade où les sons rampent, vibrent, respirent et se taisent.
Et pour terminer à Toshio Hosokawa avec Slow Dance pour flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle, percussions 12’ (1996) sera le "clou" du concert.Le chef d'orchestre présent déclare ouvert ce coup d'éclat musical, dans une atmosphère mystérieuse, parsemée de surprises, planante, subtile, suspendue à chaque instrument.Ca fuse de toutes parts, dans des bruissements étranges, brefs, des effleurements des instruments, puis dans des tornades de sons: la grosse caisse en majesté. Discrète autant qu'intrusive!La retenue du jeu, les glissements, frôlements font décoler, voyager dans des sphères spirituelles, dans l'éther éternel. Ravissant, captivant, éclairé, apaisant, ce morceau est fort contrasté, retounantensuite à la tourmente et aux assaurs de sonorités amplifiées. Cordes et souffles bordés par le piano et la grosse caisse.
Une lente redescente nous ramène , nous reconduit sur le fil des sons, musique funambule, périlleuse, audacieuse...
Un récital mémorable, une intense expérience sonore et spirituelle pour un public conquis, emporté par tant de créativité inédite. Le Japon nous surprendra encore et cet hommage au maitre Horosawa, fut une réussite éditoriale totale.
Avec :
- Jean-Philippe Wurtz, Direction d’orchestre
- Marie-Andrée Joerger, Accordéon
- Antoine Pecqueur, Basson
- Keiko Murakami, Flûte
- Andrea Nagy, Clarinette
- Victor Hocquet, Percussions
- Reto Staub, Piano
- Geneviève Letang, Harpe
- Marco Fusi, Violon / alto
- Johannes Burghoff, Violoncelle
Le concert fut suivi d’une rencontre animée par Eva Kleinitz consacrée à la création musicale au Japon
C'est avec- Toshio Hosokawa : In die Tiefe der Zeit 16’ pour accordéon, basson (1994-1996) que démarre la soirée dans la salle Bastide.Deux longues plaintes des instruments, deux souffles qui s'étirent, pulsent, dans les graves pour le basson magistralement dompté par Antoine Pecqueur,dans les aigus vibrants pour l'accordéon, maîtrisé par Marie Andrée Joerger. De belles vibrations communes, une complicité évidente quand les sonorités se confondent, se mélangent sur le fil de la partition. Le corps tendu, fébrile du bassiste, quasi sur la pointe des pieds, assis sans jamais l'être tant la tension l'habite et est communicative! .Les appuis, les accentuations s'y multiplient, les sons se renforcent et rebondissent: une véritable danse, une musique à regarder à travers le médium corporel très officiant. La proximité du public avec les interprètes aidant au phénomène d'empathie partagée. Comme lors d'une lutte, d'un duel, le duo renforce le volume sonore, les intensités se précisent, les corps s'investissent dans des ondulations, suspensions révélatrices de l'engagement organique des artistes.Va et vient, vagues successives, retour et ressac de la musique en font un océan de retenues, de souffles. Quelques frappés sur le corps du basson, jeu "terrestre" pour cette avancée cérémoniale, parcourue d'incidents où les graves se multiplient, colorent, soutiennent et maintiennent la pièce. Lui semble bondir, prêt à partir et fait surgir les sons dans des intonations qui reviennent, s'amplifient. Un acte de bravoure pour ces chevaliers en action.
Changement d'univers avec l'oeuvre de Toshio Hosokawa : Atem Lied 9’ pour flûte basse solo (1997) C'est au talent de Keiko Murakami que l'on doit cet instant intense d'émotion musicale. Délicate dans sa longue robe plissée noire à la Myaké, elle danse devant nous, pieds ancrés au sol, appuis qui la fond se balancer, osciller au moindre souffle de la flûte.Des sons éjectés, expulsés la poursuivent, la traquent sur le parcours musical ascendant: la flûte comme un pinceau traçant une calligraphie visuelle dans l'espace ondoyant de son corps, tendu, relâché comme l'écriture chorégraphique de Pina Bausch. C'est délectable à regarder, à observer cette 'interprète qui délivre une poésie remarquable dans son jeu. Jaillissements, feux d'artifice éclaboussants, éparpillements des sons font de "Atem Lied" une oeuvre qui libère les vannes du son, chasse le souffle en expirations et inspirations vitales qui exaltent l'instrument entre les doigts graciles et manipulateurs de Keiko Murakami. Le son file, se fraie un chemin, un passage , comme une caresse, un effleurement dans des envolées, suspensions vertigineuses... A vous couper le souffle, les yeux rivés sur la créature hybride-flûte-corps vivant- partie d'un essaim d'abeilles, d'insectes qui vibrent au dessus de nos têtes. Un instant de "grâce" inoubliable.
Suit la pièce de Tru Takemitsu (1930- 1996) : Rain Spell pour flûte, clarinette, vibraphone, piano, harpe 8’ (1983) Une atmosphère très sensitive, aquatique, pleine d'harmonie où le solo de départ de la clarinette illumine et donne le ton:vif, détaché, alerte, lumineux.Une chaîne de sonorités se déroule, se passe, témoin d'un tempo et de colorations sonores inédites.Déferlement et amplitude des sons, dialogue harpe-flûte éloquent, aérien, alors que les percussions effleurées du bout des mailloches caressent l'univers magnétique de la musique ainsi engendrée, fabriquée par cette union d'instruments si divers. La harpe, fluide, perspicace intervient pour ponctuer de ses pincements, la rivière et son flot de sons. Beaucoup d'espaces s'ouvrent dans cette composition protéiforme, planant, s'étendant à l'envi, s'ouvrant sur des paysages fluctuants.Comme un sentier qui s'ouvre sous les pas du défricheur. Goutte à goutte aussi d'une clepsydre distillant le temps, un sablier filtrant la matière sonore minérale.Dissolution finale comme un précipité inversé du son.
Après cette émotion musicale, place à - Misato Mochizuki (1969-): Pas à pas 8’ pour accordéon, basson (2000)
.Une introduction en clin d'oeil à la musique du XVII ème siècle de Bertolini, pleine d'humour de la part des interprètes complices d'un phénomène musical réjouissant, et voilà un jeu de scène galant, précieux qui se révèle comme une révérence, une danse, dans des pliés et virevoltes éloquents.Respirations répétitives de l'accordéon qui berce et se balance.Claquettes sous les pieds du bassiste qui frappe sur des castagnettes rivées au sol...L'accordéon se compresse, s'étire, on va bon train, tout se précipite, s'emballe dans un rythme jouissif, une musicalité industrielle, mécanique redondante qui sublime les sonorité dans un tempo d'enfer! Accélérations diluviennes, ascensionnelles, crescendos allègre à perdre haleine!
Une histoire, une narration sonore se profile, imaginaire des timbres, démarches volontaires, rythme d'un "marcheur" en action.
Puis une lente descente, affaisement ou perte des forces, dépenses, dégringolade où les sons rampent, vibrent, respirent et se taisent.
Et pour terminer à Toshio Hosokawa avec Slow Dance pour flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle, percussions 12’ (1996) sera le "clou" du concert.Le chef d'orchestre présent déclare ouvert ce coup d'éclat musical, dans une atmosphère mystérieuse, parsemée de surprises, planante, subtile, suspendue à chaque instrument.Ca fuse de toutes parts, dans des bruissements étranges, brefs, des effleurements des instruments, puis dans des tornades de sons: la grosse caisse en majesté. Discrète autant qu'intrusive!La retenue du jeu, les glissements, frôlements font décoler, voyager dans des sphères spirituelles, dans l'éther éternel. Ravissant, captivant, éclairé, apaisant, ce morceau est fort contrasté, retounantensuite à la tourmente et aux assaurs de sonorités amplifiées. Cordes et souffles bordés par le piano et la grosse caisse.
Une lente redescente nous ramène , nous reconduit sur le fil des sons, musique funambule, périlleuse, audacieuse...
Un récital mémorable, une intense expérience sonore et spirituelle pour un public conquis, emporté par tant de créativité inédite. Le Japon nous surprendra encore et cet hommage au maitre Horosawa, fut une réussite éditoriale totale.
Avec :
- Jean-Philippe Wurtz, Direction d’orchestre
- Marie-Andrée Joerger, Accordéon
- Antoine Pecqueur, Basson
- Keiko Murakami, Flûte
- Andrea Nagy, Clarinette
- Victor Hocquet, Percussions
- Reto Staub, Piano
- Geneviève Letang, Harpe
- Marco Fusi, Violon / alto
- Johannes Burghoff, Violoncelle
Le concert fut suivi d’une rencontre animée par Eva Kleinitz consacrée à la création musicale au Japon
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