Présenté avec POLE-SUD et dans le cadre du Parcours Danse // En anglais et en italien, surtitré en français et en allemand // Chorégraphie Marcos Morau - La Veronal
Une nuit au musée. Une femme contemple un immense Titien, un homme observe la femme. Siena nous emmène en Italie, de la Renaissance jusqu’à nos jours. Un ensemble de danseurs virtuoses habillés en escrimeurs envahit l’espace, un groupe qui se compose et se décompose dans un collage de tableaux oniriques. À travers un langage du mouvement aussi précis que théâtral, La Veronal interroge les bouleversements que connaît, au cours des siècles, la perception qu’a l’homme de lui-même et de son corps.
Parmi ses différents spectacles, Marcos Morau, dramaturge et chorégraphe, s’inspire des analogies entre danse et géographie, ainsi que de l’imaginaire des villes ou des pays pour développer ses recherches sur le corps et ses représentations. Ses créations au sein du collectif La Veronal comprennent le spectacle Siena, inspiré par la ville italienne. C'est ainsi l'occasion d'analyser les troubles et passionnantes méditations sur le temps du corps, ses représentations et ses combats à travers les siècles.
Elle est présente sur scène et contemple avec délectation le tableau surdimensionné devant elle: le corps immense d'une femme nue, lascive, au regard intrusif.Une Vénus callipyge immense, envahissante. Apparaît dans l'embrasure de la porte de la salle du musée, un visage à mille mains: absurde créature qui se révélera gardien du musée! Pantin tout en noir, désarticulé à la gestuelle segmentée, longiligne silhouette énigmatique. Tout comme le reste des personnages qui feront irruption tout au long de la pièce, sur ce plateau rempli de créatures surréalistes. Mouvements entrelacés, entravés dans leur course à travers les corps, énergie diluvienne de touches brèves, courtes qui n'en finissent pas de tricoter un tissu de matière visuelle mouvante, hallucinant! Par quel bout aborder cette pièce si ce n'est par le fil d'une narration, accumulant les images, les icônes en pagaille sur des musiques évocatrices d'ambiance style polard ou religieux.Duo confondant de danseuses contorsionnistes, en costume de chevaliers, d'escrimeurs, de gris souris vêtus, comme de singuliers animaux versatiles, hyper mobiles.
D'une extrême précision, la danse les habite, les manipule, les fait se mouvoir , très tétaniques, fuyants. Duo de siamoises, gémellité sidérante avec des costumes qui se complètent d'un corps à l'autre et recréent un personnage de puzzle fabriqué de séquences gestuelles en construction sculpturale. Toujours dans le mode vitesse, urgence et rapidité. La dynamique laisse parfois le temps s'installer pour une "cène" croustillante où les prophètes se passent de corps à corps, un sachet plastique virevoltant, saint esprit tombé des nues ou des cimaises de tous les tableaux. Peuplés de fantômes errant, la nuit au musée, alors que celui-ci serait fermé au public. On songe à des œuvres de références, la Danse de Matisse, aux univers absurdes de Magrite ou De Chirico....
Touffu, dense, le spectacle déroule son tapis de surprises qui troublent, effrayent, surprennent à l'envi. Que cherchent-ils au sol, à genoux, que nous raconte-t-elle cette visiteuse, sinon le récit de situation abracadabrantesques. Des sensations de "déjà vu", des rêves, des rencontres duelles où les corps s'entrelacent, se métamorphose.
Et lorsque le tableau de référence se transforme en réceptacle de cercueil, laissant la morte gésir à vue, quand un brancardier saisit au vol un corps qui vient de choir, au pays de cocagne, on reste bouche bée et plongé chez Ionesco en ligne directe.
Un diable en cagoule noire se meut désespérément et nous adresse en clin d’œil final, une salutation espiègle en diable. Le talent de Marcos Moreau est celui d'un prestidigitateur, agitateur de repères, transformateur des corps, manipulateur d'imaginaire, à foison, sans limite .Le plaisir et la stupéfaction opèrent: on baigne lentement dans l'absurde, acceptant l'incongru, le bizarre, l'incroyable mouvante de ce petit monde muséal aux multiples secrets révélés. Une visite guidée inédite, une nuit au musée en compagnie de Belfégor, sans retenue, aux multiples entrées de lecture! Quand il fait sienne, les pérégrinations d'un petit peuple agité! Terre de sienne, géologie pas té titienne -sienne!
Au Maillon Wacken, présenté avec Pôle Sud jusqu'au 29 Mars.
bt
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