À Marseille, Marius travaille dans la boulangerie de son père César. Les
affaires vont mal, et Marius rêve d’ailleurs. Partagé entre son envie
de prendre le large et son amour pour Fanny, une amie d’enfance, le
jeune homme doute : faut-il tout quitter au risque de tout perdre ?
Rester pour épouser la vie qui lui est destinée et honorer son devoir de
fils ? Pour créer cette adaptation de la première pièce de la Trilogie
marseillaise, Joël Pommerat a partagé les mots de Pagnol avec des
détenus de la Maison centrale d’Arles, hors des sentiers battus du
théâtre. Une aventure artistique et humaine qui les a menés à la
création d’une troupe d’acteur·rices qui porte l’histoire de Marius et
ses enjeux avec une vérité saisissante.
Une boulangerie reconstituée, un petit salon de thé seront l'unité de lieu de cette fable comique autant que dramatique, menée avec vivacité et tonicité singulières. Il y a le père et le fils et toute une gamme de personnages "secondaires" loin de l'être. Le discret vendeur de moineaux qui se terre dans son coin, le dandy entrepreneur de cycles opportuniste qui se targue d'être amoureux d'une Fanny tendre et respectable. Et les autres qui gravitent vont et viennent, font irruption dans ce petit monde, microcosme d'une société marseillaise joyeuse. Mais voilà, ici Marius ne fait jamais payer les cafés et "tire la tronche", fait fuir les clients et n'a ni ambition, ni rêve.
César le patron-boulanger en est désespéré et lui reproche ses attitudes, son laxisme, son indifférence, son flegme. Il n'y a qu'un semeur de trouble averti de tout pour le secouer et lui faire prendre une décision opportune fatale: fuir ce foyer, abandonner Fanny, la laisser alors qu'ils viennent tout juste de s'avouer leur amour d'enfance.
Cruelle destinée dessinée sous l'angle de l'humour, du comique plus que de la détresse et de la souffrance. Les acteurs jouissent ici d'une belle et juste direction d'acteurs, sobre, pertinente dans ses multiples rebondissements. On suit avec intérêt et empathie le sort de Marius, affalé sur sa chaise haute, les colères de César au grand coeur, qui se "pique" d"être un tricheur au jeu de cartes. Et ce frondeur dandy, homme d'affaires de pacotille, dérangé sur son portable pour faire croire qu'il est un ministre débordé par ses acolytes incapables. Une humanité bon enfant se dégage de cette pièce savoureuse aux accents du midi, à la richesse et générosité de la présence et de l'engagement des acteurs.
Tous sans exception à leur place, au bon endroit sous la touche impressionniste de Joel Pommerat. Une exceptionnelle revisitation de Pagnol en compagnie de des associations Louis Brouillard et Ensuite qui augure de la confirmation ou de l'éclosion de talents d'artistes du monde du spectacle au profil parfait. Et touchant droit au but: ce camaïeu de caractères touche et fait "fanny" au jeu des fléchettes de l'existence. Les pieds tanqués au jeu de boules déboussolé.
Librement inspirée du texte de Marcel Pagnol Création théâtrale Joël Pommerat
Au TNS jusqu'au 3 MAI
Avec Damien Baudry, Élise Douyère, Michel Galera, Ange Melenyk, Redwane Rajel, Jean Ruimi, Bernard Traversa, Ludovic Velon
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