mardi 26 juillet 2022

MONTPELLIER DANSE 42 ème festival: Nacera Belaza: droit de cité.

 Le Festival Montpellier Danse 2022 affichait un bon cru, varié, fidèle à de grands noms de la danse, autant que soutien ou défricheur de talent.Ici, un petit panorama d'une dernière partie du programme pour ne pas oublier qu'un grand directeur talentueux sait oeuvrer pour séduire, éveiller, ébouriffer public et professionnels sur les sentiers de la découverte...

NACERA BELAZA en majesté..Trois pièces pour honorer un travail chorégraphique pugnace et magnétique.

"L'ENVOL":l'outre-noir sublime...


Les contours lumineux d'un corps vague dans le lointain.La distance, la perspective se fond dans l'obscurité singulière de l'espace-temps de la salle du studio Bagouet. Quatre ombres à l'inverse se déplacent dans la caverne, inventant une expérience rétinienne extra-ordinaire, sensorielle, unique pour celui qui regarde ce spectacle rétrospectif de l'oeuvre au noir, sombre de Nacéra Belaza. La musique envahissante de fréquences et ondes magnétiques occupe l'espace.Répétition du geste, lenteur infinie, étirement du temps, naissance de la danse: tous les ingrédients de "fabrication" des pièces de Nacera Belaza demeurent présentes et subliment le champ de la danse.Danse introspective, minimaliste, quête spirituelle.Vertige, envol, exigence du déplacement, du délogement, de l'exil.La position de résistance perdure, le combat de la chorégraphe s'imprime dans son écriture, pugnace bravoure de la répétition sempiternelle de gestes ancestraux: le tour, la volte qui engendrent hypnose, vertige, déséquilibre.Entre le calibre et l'impatience au risque de déplaire dans l'effort de l'ascension du chemin escarpé.Se hisser toujours, patiente et déterminée.

"LE CRI/L'ONDE":l'intime à son paroxysme


Cette pièce vient renforcer l'univers, l'atmosphère unique des créations de la danseuse-chorégraphe.Le cri comme ancrage qu ne cède pas, une idée simple, vitale et sans fin."Un mouvement qui va de l'intime jusqu'à la surface, jusqu'à la disparition". Ce chemin qu'elle emprunte inlassablement dans chacune de ses pièces contient la quintessence de son oeuvre:le point d'origine de la danse, l'infime mouvement qui se perçoit dans l'obscurité naissante du plateau, vidé de décor, d'apparat, de narration superflue. Sobriété, frugalité nourrissent son propos inlassablement réitéré: sculpter le vide, lui donner corps, le rendre palpable."Ceci n'est pas de la danse, ceci est un trait, un seul mouvement, celui d'échapper à soi". Des mouvements circulaires éoliens, des tours, des silhouettes qui se dessinent en fond de scène ou en proximité animent l'espace, le font exister, apparaitre. Une expérience corporelle inédite pour mieux percevoir la pensée, les origines de Nacera Belaza. Une ode à la simplicité, la beauté du presque rien, de l'invisible, de l'indicible.

"LA PROCESSION": la longue marche de Nacera....


De la Place du Marché aux Fleurs, une procession s'ébranle, lente marche salvatrice: une dizaine de personnes, lambda se déplace, solennelle ou sobre chenille au coeur de la cité, sans gêner ni perturber.Le passant, le chaland la traverse, dérange, perturbe ou s'interroge, ignore le phénomène singulier qui se déroule.Ou se met de la partie, rejoint le groupe, anonyme participant.La lente et longue descente de la rue de l'Université impressionne.Non, ce n'est ni une parade, ni une cavalcade ou redoute mais une déambulation aux sons étouffés , muets de mélodie, longue plainte qui poursuit cet étrange cortège.Tout en noir, fibres sonores tissées d'ondes étirées.Marche, immersion insolite du spectateur dans un contexte inhabituel.Retour au sein de l'Agora de la Danse, entre cour et arche, les femmes, les hommes issus de cette longue déambulation, se rencontrent, se rejoignent en cercle, le contact des corps opère un lent balancement impulsif et organique. Recueillement, concentration des regards lointains, silhouettes banales, humanité à nue.On est bouleversé, en empathie...La perspective de cette marche-démarche en fait un moment théâtral sidérant.Pièce unique, imaginée in situ, cette procession est une immersion insolite du spectateur dans un contexte inhabituel. Un "cadeau", un don de la chorégraphe et des participants amateurs à la Cité de Montpellier....qui danse! 

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