dimanche 23 septembre 2018

"Au bonheur des dames" :on arrête pas le progrès !


Encore apprenti-compositeur, Jonathan Pontier avait été confronté à l’image animée, réalisant la musique de courts et moyens métrages. C’est un rapport bien différent au cinéma qu’il inaugure cette fois, la musique conçue pour un film muet devenant de fait sa bande-son intégrale. Les quatre-vingt-dix minutes que dure Au Bonheur des Dames de Julien Duvivier (1930) exigent une grande variété de situations et de couleurs musicales, mais surtout une vision dramaturgique compatible avec celle du film sans pour autant lui être subordonnée.

Un ciné concert avec l'Accroche Note, un film de référence qui conte les méfaits du progrès sur le petit commerce parisien...C'est un événement de qualité où l'inspiration du compositeur oeuvre très justement au regard du rythme du film muet, des images, des scènes de foule hallucinantes,ou des instants très violents de destruction des quartiers visés par l'agrandissement des déjà très "grands magasins"!
Un concert à quatre instruments où l'accordéon jour un rôle inattendu, reliant le populaire au chic parisien sans vergogne. Marie Andrée Joerger se riant des tectoniques de la réalisation filmique ou du dramatique récit de cette jeune Denise, montée sur Paris pour tenter sa chance. De la gare St Lazare où les locomotives sont déjà des "bêtes" humaines, à la coupole et a l'escalier magistral des Galeries Lafayette, l'espace est rehaussé par le flux musical et l'on découvre la cinétique des mouvements caméra, des trucages ou superpositions d'images par le vecteur de la musique.
Armand Angster à la clarinette, Christophe Beau au violoncelle et la longiligne Christelle Séry à la guitare électrique.
La voix de Françoise Kubler, enregistrée et présente par petites touches.
Une réussite, osmose et détachement de la musique-image, du cinéma très rythmé de Duvivier: l'action, les péripéties violentes des protagonistes bien soulignées dans un monde en mutation où les décors, de l'industrie, au magasin de luxe surgissent de l'écran comme de réels personnages
Les expressions nuancées de l’héroïne, Dita Parlo, en disent long sur les états d'âme, les sentiments de ceux pour qui le progrès va bien au delà de l'amour pour gagner en fin de compte.
Le constat est rude et sans appel. Alors la musique s'arrête et le miracle des Grans Magasin, fait bien le bonheur des spectateurs-auditeurs. On trouve tout à "Musica", le bon marché de la musique d'aujourd'hui, la Samaritaine et son directeur, le bon Samaritain inspiré de la programmation musicale !

A la Cité de la Musique ce Dimanche 23 Septembre.

"Marquis de Sade": expressionnistes en diable!


Invités par Musica, L’Ososphère et l’Opéra national du Rhin pour une soirée exceptionnelle, on retrouve Marquis de Sade à Strasbourg où leur présence prend une résonance européenne particulière.
"Marquis de Sade", concert rock: une surprise de plus de la part du festival Musica !
A l'Opéra du Rhin, ce bel écrin, théâtre aux fauteuils de velours, un concert rock, ça se fête !
Le parterre est "populaire" mais ne peut se tenir debout pour bouger à sa guise!
Peu importe à 20H pile, heure syndicale, le concert démarre et les "Marquis" endossent leurs rôles de stars ressuscitées Des morceaux mythiques, des images et une scénographie très soignée en font un spectacle total, entraînant, scotchant autant par l'énergie déployée que par la rythmique endiablée.Philippe Pascal en figure de proue, encore excellent danseur aux gestes tétaniques, robotiques très stylés, longue silhouette distinguée.Ses compères et complices de l'époque s'emparant de la scène avec puissance et engagement.
Des clips superbes, à la construction savante étayent ce show, très expressionniste comme cette évocation de "Métropolis" et d'autres extraits de Murnau, qui soulignent leur ligne éditoriale. Éclairages et graphisme très recherchés balayent les parois du théâtre et un font un écrin lumineux et chaleureux. Les lumières stroboscopiques surenchérissent cette volonté d'ambiance et d'atmosphère griffée "Marquis de Sade", une signature très vivante, inspirée des grands du rock et pourtant si originale. Un concert kiné-tique, mouvementé, mis en scène pour une boite noire luxueuse, du velours rouge, caressé par les sons tonitruants d'une musique "nouvelle" revécue passionnément par sept grands artistes!

A l'Opéra du Rhin, ce Dimanche 23 Septembre


Tabéa Zimmermann: récital, alto : funambule, sur la corde raide !


En s’emparant de la Suite n° 4 BWV 1010 destinée au violoncelle, l’altiste allemande place ce programme sous les auspices d’une polyphonie qui se manifeste dans la virtuosité des doubles cordes et dans une écriture mélodique condensant plusieurs voix.

Bach en ouverture de ce concert exceptionnel, dominical à la Salle de Bourse, histoire d'évoquer allemande, courante, sarabande, bourrée, danses savantes et populaires, jouées avec dextérité et engagement par l'artiste de renommée internationale, Tabéa Zimmermann ! Danses baroques ou populaires, comme un collier de perles enfilées !

Au tour de Bernd Alois Zimmermann avec "Sonate fur Viola sol" de 1955 pour passer entre les doigts et l'archet de cette artiste hors pair, plantureuse femme au bâtit solide et rassurant.De longues phrases glissées, des contrastes saisissants, quelques piqués, lenteur ou vivacité, pertinence d'une douceur très en ressenti, infime délivrance du son: un violon pour une femme, pour un seul corps qui engendre de la musique, faite pour épouser les cordes Ils font "un" en fusion, en osmose.
Corps à cordes, corps-accords, corps raccords fascinants.
Des très beaux gestes l'animent, balancements, oscillations ; elle tangue et cherche les sons si complexes à saisir.

De sa sonate de Ligeti "Sonate" de 1991 elle tire des sonorités incroyables, la matière même de cette musique créée pour l'instrument. Une plainte, lente, sourde, comme une voix, puis un rythme plus alerte façonnent l'introduction du premier mouvement.
La virtuosité de cette exécution prestigieuse, ces sonorités à la frontière du "faux", de l'incorrect son fabriqué, méduse, trouble et sème une confusion sensorielle inédite. Pièce en double cordes, danse modérée, pseudo-tonale, avec des modulations folles, faussées !
L'instrument nu et cru. De l'inconfort pour l'interprète prodige,  qui plonge dans ce bain voluptueux de l'incertain, de l'interdit.Une danse "sauvage", turbulente, une chaconne au sens originel du mot.
 Prouesse qui nous fait réagir, en empathie avec cette prise de risques qui la fait transpirer, attendre, vivre les frontières du possible maîtrisable. Pas "rassurant" du tout, cet opus de Ligeti, grammaire savante de ses expériences sonores, glossaire de ses expériences . Position inconfortable aussi pour l'auditoire, écoutant ce phénomène, "monstre" de savoir faire , performeuse en diable, inhumaine.
Elle révélera tous ses talents lors des deux bis, généreusement offerts au public, l'un ravageur et plein de rage sur son instrument consentant, l'autre très lyrique, baroque, installée dans la quiétude du classicisme!
La musique EST son double, la musique ET son double, théâtre de la création, tout bonnement!*

A la salle de la Bourse ce dimanche 23 Septembre