dimanche 30 juin 2024

"Spectres d'Europe": un cocktail de diversités chorégraphiques très étonnant et attachant

 


Spectres d’Europe Pierre-Émile Lemieux-Venne / Lucas Valente / Alba Castillo

Ces silhouettes sont toutes différentes mais elles partagent les mêmes joies simples : chanter à tue-tête sous la douche, danser librement sur leur chanson préférée, savourer les picotements d’un amour naissant... Portrait d’une jeunesse décomplexée qui a soif de vivre, de rire et d’aimer (Sous les jupes). — Quand les spectres s’éveillent, la lumière danse avec les ombres dans un jeu de clair-obscur (Rex). — Le temps file, inexorable, vers un futur hypothétique, sans que l’on ne puisse jamais suspendre sa course. Les Anciens le mesuraient grâce à l’écoulement d’un sablier. Sans doute avaient-ils remarqué que le temps s’apparente au sable : plus on essaie d’en retenir dans sa main, plus il s’écoule rapidement (Poussière de Terre).

Spectres d’Europe fait dialoguer les univers de trois chorégraphes de la nouvelle génération aux styles déjà bien affirmés : la légèreté profonde et communicative de Pierre-Émile Lemieux-Venne (danseur-chorégraphe du Ballet de l’OnR), la danse spectrale de Lucas Valente, lauréat du dernier Concours de jeunes chorégraphes de Biarritz, et les circonvolutions métaphysiques de l’artiste espagnole Alba Castillo. Une soirée en trois actes où se croisent les fantômes des temps passés, présents et futurs.

 Sous les jupes de Pierre-Émile Lemieux-Venne. Rex de Lucas Valente. Poussière de Terre d’Alba Castillo. Créations. Reprise.Strasbourg Opéra 07 juin 04 juil. 2024 Chorégraphie Alba Castillo, Pierre-Émile Lemieux-Venne, Lucas Valente Costumes Alba Castillo, Cauê Frias, Pierre-Émile Lemieux-Venne Lumières Tom Klefstad, Lucas Valente, Lukas Wiedmer


"Sous les jupes" [ Création ] Pièce pour 10 danseurs. 
Salut les copains: le magazine!
Voici incarné, un univers juvénile, jubilatoire, incandescent de jeunesse, de candeur, d'insouciance. Tout est dit dans ces corps dansant qui oscillent, tanguent et s'expriment sur des "tubes", canons de musique de variété légère, "yé-yé" en diable.Couleurs pastel, les costumes sont au diapason de cette tendresse à fleur de peau: comme au lycée, c'est une photo de classe, un cliché sur la frivolité d'un âge bien porté par les danseurs. Sur fond de drapés de couleurs suspendus au dessus du plateau, flotte une atmosphère de relâche, d'entracte, de pause dans le temps. Hier ou aujourd'hui? Un duo sur canapé plein de douceur, de séduction, d'attraction entre deux êtres, en robe ou pantalon dégenré se construit comme un adage burlesque contemporain. Très beau duo malin, plein d'humour et de légèreté futile. L'amour doux, frivole mais direct : à la Mats Ek dans l'esthétique segmentée, punch et fébrile, animée d'énergie et de détournement de gestuelle. A la Preljocaj par l'intensité des relations entre les êtres.En nuisette rose, en danse traditionnelle du Québec, en trio désopilant, en forme de maillon, de chenille rampante. Saccades et pas traditionnel au diapason.

"Salut les copains" d'abord, les rires et les moments de joie qui dansent d'eux même. Dans des unissons débridées pourtant très strictes dans l'écriture. Encore un duo à la "je t'aime", déclaration d'amour de deux corps aimantés, et cette bande de copains indéfectible se déplace, se joue d'objets mobiliers, chaises ou divan avec hardiesse et exactitude. Glamour déhanché façon comédie musicale ou show style music-hall, la fête est plus que présente et les danseurs excellent dans cette jeunesse innocente. Midinettes ou Claudettes, garçons à l'unisson de la diversité dans le groupe, tout ici respire la liberté de ton. Pierre-Emile Lemieux-Venne se régale à réunir ici une génération pas perdue, porteuse d'enthousiasme et de ferveur solidaire. Un opus riche et généreux qui touche et fait vibrer les corps à l'unisson.

Chorégraphie et costumes Pierre-Émile Lemieux-Venne Musique Les Charbonniers de l’enfer, Muse, Pet Shop Boys, Andrea Bocelli, Mike Brant, Céline Dion, Lesley Gore, Françoise Hardy, Juliane Werding Lumières Tom Klefstad 


"Rex" Création ]Pièce pour 6 danseurs.
Piège de lumière
La seconde pièce de ce programme est d'un autre ton : dramatique, ésotérique, énigmatique: un homme roule à terre en reptations sauvages et virulentes, rapides roulé boulé tonique. Souffrance exprimée sur lit de musique grecque orthodoxe, chant du cygne ou élégie divine. Cinq officiants viennent s'affairer autour de lui et semblent porter sa peine et sa charge. La scène est profondément émouvante et belle dans la semi obscurité. Le personnage est pris au piège de lumière comme un insecte éphémère porteur de mort. La musique se fait vorace et omniprésente puis laisse la place à un solo, une créature de blanc vêtue traquée par la lumière portée par deux danseurs. Poursuite dans le noir, tunnel d'obscurité, de secret, duo de lampes pour corps lyriques portés par l'apesanteur. Visions fugaces en rémanences, très cinématographiques, expérimentales en diable: un ballet mécanique de lumières du plus bel effet esthétique.

On plonge dans l'antre de la mythologie sans le savoir, à tâtons dans l'outre-noir scintillant, aveuglant. Cécité et aveuglement des êtres convoqués à ce rituel funèbre.La danse est fluide , fuyante, éphémère: papillon de nuit, luciole et autres bestioles fantastiques pour créer un univers onirique très poétique. Les faisceaux de lumière balayant l'espace pour servir l'écriture de Lucas Valente au plus près de son intention hors du temps pour une expérience unique et troublante.

Chorégraphe Lucas Valente Musique Emptyset, Rival Consoles, Luke Atencio, Chœur Byzantin de Grèce, Hildur Guðnadóttir Costumes Cauê Frias Lumières Tom Klefstad, Lucas Valente

"Poussière de Terre"[ Reprise ]Pièce pour 15 danseurs.
Le sablier tamise la danse de son plein grès
La troisième pièce de ces "spectres d'Europe" est dans la lignée de l’inouï, du jamais vu , de l'indicible. C'est une sculpture suspendue, sorte de sablier souple dont le vase empli de grès se déverse en filet vivant sur le sol. Le temps suspendu comme une oeuvre de Ernesto Neto: vivante, organique, très présente. Filtre d'amour, élixir minéral qui ponctue la pièce  et déroule en fine cascade la narration. Une femme traverse à l'envi cette douche sèche, passe à travers les gouttes de grès sans y toucher. La danse tamise les corps, rejoint cette atmosphère géologique et s'unit au climat singulier de cette troupe d'hommes quasi nus, lisses, fragiles qui marchent à reculons. Traques, poursuites égrènent l'espace, déplacent6 les corps, bousculent un récit omniprésent de fuite, de fugue incessante. Source de partage, cette clepsydre minérale géante donne à voir et à recueillir un nectar divin dont les danseurs s'abreuvent à loisir.

Peu à peu le sable se répand sur le plateau et les pas des danseurs y tracent et signent des empreintes, des cercles et autres figures de matières picturales ou de gravures. Un solo lumineux y creuse son sillon dans des sillages d'une chorégraphie singulière "signée" Alba Castillo. Figures de nativité archaïque, archéologique, la danse y est pétrie de robustesse, d'animalité. Retour à la terre au final comme au seuil d'un tombeau, d'un cercueil fait de poussières de terre nourricière. Ensevelir les corps pour les préserver, les conserver dans leur jeunesse, échapper au temps et à l'usure dans une roche perméable, poreuse, fragile: le grès, le sable poreux comme la peau du monde qui respire par tous ses pores.

Chorégraphie, costumes et scénographie Alba Castillo Musique Goldmund, Lawrence English, Karin Borg, Bryce Dessner, Brian Eno, Nils Frahm, Jóhann Jóhannsson, Bruno Sanfilippo Lumières et scénographie Lukas Wiedmer


samedi 29 juin 2024

lovemusic :"i was wearing my skin unfresh": de bonnes "nouvelles" courtes qui en disent long: une performance, créature singulière hors norme.


 
I was wearing my skin unfresh - spectacle immersif de micro-drames sonores sur les textes de Diane Williams et John Cage, une nouvelle création de Finbar Hosie et Emiliano Gavito 💜
📍LIEU D’EUROPE - Strasbourg
📅 Samedi 29 juin
🕕 18.00

✨I was wearing my skin unfresh / Je portais ma peau souillée
Micro-fictions musicales
⚠️Réservé à un public de +16ans
Dans le cadre du mois des visibilités LGBTQIA+, le Lieu d’Europe et Lovemusic proposent une lecture musicale d’une sélection de courtes histoires de l'auteure américaine Diane Williams, ainsi que d’autres textes et témoignages issus de l’héritage artistique LGBTQIA+. Traitant de la sexualité et du désir et articulée autour des questionnements du statu quo hétéro/normatif et des dynamiques du pouvoir relationnel, chaque histoire tisse son propre microcosme, intimiste et décalé.
👉Membres du collectif strasbourgeois, le compositeur franco-britannique Finbar Hosie et le performeur et flûtiste Emiliano Gavito ont composé des miniatures musicales et des lectures audacieuses de ces micro-fictions. Le spectacle invite le public à un dialogue musical et littéraire qui rend compte de la diversité des expériences émotionnelles humaines dans un dispositif sonore et scénique immersif.
 
Musique au long-court...Dans un dispositif original au sein de la toute nouvelle salle de spectacle du Lieu d'Europe, c'est une performance immersive et singulière qui s'offre à nos sens, à nos corps en éveil. Des cadres de fenêtres comme plantés pour une scénographie au coeur de laquelle une couche-coussin noire accueille les spectateurs, proches et dans le décor. Emiliano Gavito y fait son apparition en longue jupe après un prélude poétique silencieux affiché sur l'écran-cadre des futures images projetées. Crachins, éclaboussures sonores qui sourdent de sa flûte, borborygmes, éclats de voix, brisures et cassures de sons inaugurent le fil sonore d'une narration parallèle diffusée en bande son.Le souffle et la respiration y sont convoqués comme filtre, la bouche de l'interprète considérée comme un goulot sonore éruptif. Le visage éclairé, seul surface de peau et d'expression, gueuloir sculpté par la lumière: un masque facial résonant impressionnant. Alors que des images floutées de femmes défilent en désordre sur l'écran, comme défenestrées. La chair est présente comme au coeur des mots, doux érotisme en filigrane. Des femmes lascives et très présentes. Ses doigts sur le micro-écran tapotent et percutent comme un grillon musical qui aiguise ses élytres. Pour attirer qui? Un partenaire invisible à qui est confié sa voix dans le confessionnal païen, cadre penché, moucharabieh scénographique La voix suave, percussive de l'autrice pour bercer nos imaginaires et nous projeter dans des espaces sonore, paysages inouïs. La diction est parfaite et les histoires s'écoutent, se regardent. Comme une correspondance épistolaire entre la musique, le phrasé des mots, la syntaxe des nouvelles littéraires qui s'enchainent. Un grimoire secret et confidentiel rehaussé par le son des différentes flûtes utilisées. Les percussions buccales comme des épreuves de force de sources sonores organiques, animales. Signes, signaux sonores pour noce de séduction, parade nuptiale d'oiseau, d'insecte aguicheur. Les images déferlent, colorées, floues comme un ludion qui n'a de cesse de se mouvoir.Des ombre chinoises se profilent, le musicien-acteur se tisse une étole de racines fluorescentes qu'il colle sur soi. Une lampe de chevet vient adoucir ce climat cosy et protecteur. Des répercussions toujours en vibrations éclectiques et surprenantes,formes rondes ou allongées. Comme un officiant, un prêcheur, chamane prédicateur, il opère devant nous assis en tailleur. La proximité est charnelle et jour sur les sens de l'auditeur complice de cette messe cérémonie du son. Chamane et grand orchestrateur de ce rituel inattendu pour nous, avec nous. Pythie qui filtre paroles et sonorité pour de bonne augures; des aveux, des parole, de la poésie sonore pour cette flute traversière augmentée,vagabonde en échappée belle pour mieux franchir les frontières des genres .musicaux. Du sexe au final bien trempé, orgueilleux, insatiable pratique naturelle et sensible pour embrasser les corps en tous sens dessus dessous. Les cadres des fenêtres détourné pour aiguiser nos imaginations spatiales sur un monde à la renverse, en ruine ou planté différemment!
Des moments de communion intenses et recherchés pour satisfaire une curiosité salutaire et salvatrice!
 
 
Lovemusic
Emiliano Gavito - flute, performance
Finbar Hosie - composition, mise en scène
Gipsy Vazquez - scénographie
📗Ce spectacle s’inscrit également dans le cadre du programme Lire Notre Monde pour l’année de labélisation de Strasbourg comme Capitale Mondiale du Livre.

vendredi 28 juin 2024

"oh !" : soirée maxi/ mini du collectif OH: oh, surprise chez Apollonia!

 


Apollonia Échanges Artistiques Européens
Dernière soirée OH! de la saison. Grandes largeurs et petites longueurs, cette dernière soirée OH! de la saison joue avec les échelles et les musiciens du Collectif OH! : Kalevi Uibo, Jean-René Mourot, Francesco Rees, Pascal Beck, Michael Alizon, Christophe Imbs, Christophe Rieger, Phillip Klawitter et Philippe Rieger
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Mini ? Maxi ? On s‘invente une règle du jeu avec ses propres projets et enchaîne les formules, avec un minimum de retenue et un maximum de bonheur. Du solo jusqu‘à ce grand ensemble très joueur qu‘est le Dream Weapon Orchestra. On passe ainsi en revue tout ce qui fait notre musique. Dans les diagonales comme en travers, pour petits et grands, pour oreilles mini et maxi gosiers. Pas de limite à la taille du plaisir.
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📅 Jeudi 27 juin, à partir de 17h30
📍 Espace Apollonia, 23 rue Boecklin

Oh, que ça fait du bien de voir, rassemblés au coeur de l'extra-ordinaire exposition de Philippe Jacq "En découdre, un collectif, amoureux de musique, facteur de bruits et de sons au diapason de cette initiative colorée, chamarrée, participative et émancipatrice. Dans le ton donc de l'environnement fertile de l'art de "tapissiers" du réel, passementiers de l'art immersif, voici nos auteurs-compositeurs et interprètes, réunis pour un "work in progress", un bord de plateau inédit où vont se succéder de courtes pièces, sortes de "nouvelles", abouties ou en chantier! A coup de crécelle, cet instrument de charivarieur de carnaval, trublion de la fête, les morceaux se succèdent, animés de bonhommie, de sérieux, de convivialité.
 
Ce ne sera pas une "parenthèse" dans le concert, voici l'ensemble du même nom qui ouvre le bal: le ton est donné: musique inventive, libre, "free" sans concession aux canons de la conformité musicale.C'est au tour de Jean René Mourot d'ouvrir la rubrique "soliste" avec deux solos de "piano", tendre ambiance ou fulgurance du touché pianistique. Les titres des morceaux à inventer: on choisira pour le troisième très ludique; "ludions"ou "manèges" ou "la foire st jean n'aura pas lieu"....Du bon, du beau qui augure de la suite de cet événement insolite. Partageux et en intimité avec le public, autour du plateau. "Frankenstein concerto" en rajoute, du bien pimenté, sauce électro-acoustique et à l'unisson, à l'écoute les uns des autres pour faire monter la mayonnaise. Les instruments exultent, le plaisir de jouer sourd des corps des musiciens, de leurs instruments sous les doigts et dans le souffle de chacun des interprètes galvanisés par cette ambiance de proximité. Notons la fausse modestie de Christophe Imbs qui se cherche au clavier alors qu'il joue savamment des "mélodies" impromptues qui se chevauchent; de l'humour et de la distanciation, pour une inspiration de blagues: celle de la girafe entre autre et la pièce au sujet du "dormeur au volant": des anecdotes piquantes et drôles pour alimenter son inspiration et son imagination fertile.
La soirée va bon train avec un entracte au jardin convivial, bordé de fragrances de menthe et mélisse citronnée: un "endroit" où il fait bon vivre et être "ensemble". Les tartes flambées en nourriture terrestres de bon aloi. On remet le couvert avec une belle prestation très "musicienne" des deux frères Rieger et leurs complices: musique chatoyante, électroacoustique pleine de bidouillages savants en compagnie du guitariste Kalevi Uibo, également maitre de cérémonie de ce "cabaret" free jazz décapant. On est ailleurs sur la planète de la création collective et ça fait résonance et contrecarre la morosité ou monotonie de certaines formations. Du cousu main ou sur mesure dans une jolie démesure pour cette soirée qui "pour en découdre" fait de la haute couture pour essayer et revêtir les plus beaux atours incongrus de la création free jazz et autres détours musicaux: laboratoire autant que marmite magique où chacun s'affaire à faire de son mieux dans des échappées belles: "étonnez- moi, Benoit", ils ont du souffle, du doigté et ce "piano" de cuisiniers à l'ouvrage est une belle plate forme de recettes de maitres queux: un bon moment, plus de trois heures de concert sans "relâche", tendu ou relax, à l'image d'une bonne surprise. "0h" les beaux jours qui n'a de cesse d'interroger la création sous "covid" ou non, fertile bassin de réception d'une tectonique musicale éruptive. Du "cratère", du caractère pour scories déferlantes autant que poétiques. Ce sera au "Dream Weapon Orchestra" de terminer ce festin en beauté après avoir chipé la place à "La Strizza" et à "Plaine", formations du cru à géométrie variable.

 
18h00 Parenthèses
18h15 Jean-René Mourot solo
18h30 Frankenstein’s Concerto
18h45 Christophe Imbs solo
19h00 Plaine
19h15 La Strizza
19h 30 - pause de 30 minutes
20h00 Parenthèses
20h15 Jean-René Mourot solo
20h30 Frankenstein’s Concerto
20h45 Christophe Imbs solo
21h00 Plaine
21h15 La Strizza
21h30 Dream Weapon Orchestra