samedi 21 juillet 2012

Avignon danse: le "off" et les "Hivernales"

Avignon fait son "off" et la danse y a toujours une bonne part.
Principal pôle de diffusion, le Centre de Développement Chorégraphique " Les Hivernales" sous la houlette d'Emmanuel Sérafini y affiche une solide programmation éclectique et plurielle: 8 spectacles de 10H à 21H 30 pour s'y faire un bel aperçu des tendances du jour, des climats chorégraphiques, des recherches en matière de danse d'aujourd'hui: multiple et variée."L'été au CDC, particulièrement danse"!
On citera "Notebook" de Malgven Gerbes et David Brandstätter, un duo de créateurs, entre Allemagne et Normandie qui multiplie les rencontres de cultures asiatiques: comme un carnet de notes ou de route où se mélangent les images et les fragrances asiatiques, entre Japon et Corée.
La gestuelle est précise, les traces et délimitations de territoires attestent d'un long travail sur la mesure de l'espace, les dimensions d'un jardin zen, la perception de limites ou d'infini.
Un sérieux travail sur l'architecture, le trait, la ligne et l'inscription des corps mouvants dans ces espaces légitime ce spectacle porté par une réflexion très mature et une expérience physique des paysages et contrées lointaines: du vécu mis en scène sous forme de média multiples: vidéo, son, textes, scénographie, danse président à ces choix fins et affirmés, probants et porteurs d'une analyse acerbe.Voici des artisans nouveau de la réflexion dansée qui font avancer la recherche chorégraphique et la porte à un degré de réflexibilité intelligent. Le riz à la fois matière, grain, outil, pinceau, symbole d'une culture, d'une nourriture y est l'élément fondateur et fondamental.; "Shifts projets" le nom de la compagnie instigatrice de ces carnets de voyages est synonyme de changement, de transition, celle qui mène d'un point à un autre. En somme celle d'un promeneur aguerri, d'un piéton de l'espace en marche. Cette démarche originale est aussi conduite par le vidéaste Julien Crépieux qui met son grain de sel dans les rouages avec malice et inventivité. Du bel ouvrage intimiste aussi et très méditatif.
www.s-h-i-f-t-s.org

"Et des poussières......" par le collectif "2 Temps 3 Mouvements" sous la direction artistique de Mathieu Desseigne, Sylvain Bouillet et Nabil Hémaïza invite la circassienne Marie Bauer à formuler un métissage très concret de styles, de genres, donnant naissance à une danse très hybride, délicate et imprégnée de poésie polymorphe.Créée lors du festival Montpellier Danse 12, cette pièce est riche des expériences singulières et collectives de chacun.Une histoires de rencontres "dans le cacophonique vacarme des pensées emmêlées, là où des mains se touchent, des corps se bousculent, des regards se soupèsent".Histoire individuelle et collective, mémoire ou amnésie, construction identitaire en sont les fondements, la charpente. Les corps s'y bousculent, s'y attendrissent aussi dans une harmonie attachante et poétique. Les énergies, plurielles, se singularisent pour mieux se mêler, s'emmêler, se répondre, se repousser.Les images sont probantes et impriment du sens, de la beauté aussi, de la tendresse. C'est efficace en diable et bien mené. Les styles se chahutent, s'entrechoquent, se chatouillent à l'envie.L'amitié débordante transparait et est portée sur scène avec force et pudeur à la fois. Un beau coup de maître pour cette production cuvée 2012 Montpellier Danse et CDC Hivernales.
www.2t3mdanse.com

"Lamali Lokta" de Karine Ponties est à nouveau une oeuvre où la griffe de la chorégraphe belge fait mouche et touche droit au but comme à son habitude.
Inspiré par l'univers extravagant de la dessinatrice Beatrice Alemagna, la danse de Karine Ponties est incisive, tranchée, acerbe, tectonique. Portée par des interprètes aguerris à sa démesure, elle tranche dans le vif de l'espace, dessine elle aussi traits, points, lignes et traces à la Kandinsky, comme hallucinée par des compositions chorégraphiques à la musicalité intérieure, indicible, secrète, avançant dans le labyrinthe de rythmes et phrasés inouïs. Elle gratte, griffonne, esquisse des volutes dans l'espace scénique et chatouille l'entendement avec grâce et volupté. Déjà pour "Brutalis" Karine Ponties s'acoquinait la complicité de Thierry Van Hasselt et flirtait avec un graphisme singulier, très tonique et virulent. On songeait à la complicité de François Verret avec Vincent Fortemps pour "(Coulisse)" d'après son "Chantier Musil".Les portés masculins basculent dans la rémanence, et son interprète fétiche Eric Domeneghetty sert son propos avec talent et justesse comme à son habitude.
Du "presque" jamais vu qui se décline à l'envie, en noir et blanc, en lumières savantes qui illuminent les corps dansant et trace ainsi des faisceaux translucides. Du bel ouvrage de "dame" de Pic, sensible, percutant, poétique et fragile à la fois.Un univers de déflagrations intense s'y dissimule imperceptiblement au cours de la pièce qui fascine et hypnotise, envoute et convainc par son extrême justesse. Karine Ponties malmène, dissèque l'espace à l'envie pour le bonheur du regard pour l'inconfort du spectateur, témoin vivant de son art à faire faire surface à l'inconnu.
www.damedepic.be

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