"L'été particulièrement danse au CDC" Les Hivernales, troisième édition bien "chambrée", bonne cuvée éclectique, variée, séduisante!
10H au Théâtre des Hivernales à Avignon: le "marathon" peut commencer avec en "entrée", "Siwa" de Michel Kéléménis ou "la persistance rétinienne d'un Eden fantasmé".Un quatuor de danseurs évoquant l'univers de l'oasis égyptienne de Siwa: atmosphère feutrée, danse éthérée, fluide, en dentelle , tonique au phrasé très délicat.La poésie de cette atmosphère est renforcée par le choix musical, cher au chorégraphe: Debussy et son "Quatuor à cordes", rehaussé par la création musicale de Yves Chauris"Shakkei-Quatuor à cordes N° 2": du très bel ouvrage, interprété avec grâce par quatre danseurs sur le plateau et un fond vidéo évocant lever ou coucher de soleil comme on le souhaitera au petit matin avignonais!
Tout autre registre pour le "plat" du jour de midi, avec "Zoll" de Christian Ubl: un joli, plat de résistance très évocateur dans le sous-titre qui contiendrait déjà tout le propos très décapant de ce créateur hors norme! soit "I'm from Austria, like Wolfi!" et "Shake it out (extrait)" Deux pièces bien distinctes mais où la griffe du chorégraphe, acerbe et bien acérée joue et prend ses fonctions décapantes avec bonheur. L'humour et la distanciation sont de mise ici et l'on sourit sans honte devant le spectacle à la foi pitoyable d'une nation décriée politiquement qui s'empêtre dans ses identités et volontés d'appartenance vaine à l'Europe! Des drapeaux et oriflammes ponctuent la lecture de ce paysage dérisoire! C'est drôle et mali, très indiscipliné et politiquement incorrect! Le patrimoine autrichien en prend un sacré coup: short et Mozart avec ses légendaires "boules" pralinées, son chanteur fétiche Reinhard Fendrich,
Europe, tu fous le camp, avec ce quintet de danseurs militarisés, arpentant en chorus, le plateau, policés, dressés comme des chiens de combats dans un rythme sempiternel, agaçant, entêté, enivrant qui va bien sûr basculer côté panique et pagaille dans une joyeuse dissolution des corps formatés!
"Us-Band" de Samuel Mathieu à 13H 45 n'est pas le dessert idéal ni notre tasse de thé: un quatuor prétentieux soit disant inspiré du "Husbands" du réalisateur très chorégraphique (voir la thèse de Jackie Taffanel à ce propos) John Cassavetes.Désirs et divagations masculines sur l'univers des hommes: leurs fantasmes, jeux, travers et autres singularités. Peu convaincant.
Pour rêver à 15H 45, à l'heure du gouter, on n'hésite pas à se plonger dans l'univers graphique et onirique de Anthony Egéa avec son conte chorégraphique "Dorothy". Le "magicien d'Oz" veille au grain pour cette danseuse, Vanessa Petit, très inspirée qui tournoie dans des spirales vertigineuses, sur fond de scène et de sol marqués par un graphisme rythmique très intéressant.Inspiration capoeira ou hip-hop, grâce très "féminine" à la touche rêveuse.Les personnages se succèdent, les costumes et le décor basculent pour évoquer des univers très variés: la peur s'empare de ce jeu, la joie, l'errance, le bonheur aussi.L'illustration de Loic Godart et Fred Bayle, la création vidéo de Yvan Labasse concourent à créer cette légende fantasmée pour petits et grands et le ravissement opère sans un faux pli!
Apothéose pour la soirée avec à 21H 30, le clou de la programmation: "Mas-Sacre" de Maria Clara Villa Lobos.On la connait pour son humour décapant, son culot et sa verve, son langage qui n'est pas "de bois"!
Ici c'est le Sacre du Printemps de Stravinsky qui est revisité avec pour thème, le massacre des poulets en batterie!C'est un vrai petit miracle, bijou de fantaisie cruelle, et massacrante.Société de consommation dévoilée, abus et horreur de l'industrialisation de l'alimentation: tout y est grâce à la fois à des images vérité, projettées en simultané, et présence des quatre danseurs, prestigieux interprètes de cette farce, cette pochade burlesque, décalée et pas tendre du tout!
L'aile ou la cuisse?: vous n'en aurez plus du tout envie en sortant de l'usine, abattoir à viande!
Les quatre escogriffes font une lecture musicale et rythmique du Sacre digne d'un Del Sarte ou Willems et gadjets, objets, corps se mêlent pour fantasmer juste sur un sujet brûlant.
Un vrai conte de fée qui n'en serait pas un où la société de conso mise à nue ressemble à ce corps dénudé, tel un oiseau, poulet plumé que l'on décortique comme pour une autopsie.La fiction dépasse la réalité, ou l'inverse, comme on voudra, mais la magie opère une heure durant, sans faille: petit "miracle" que ce "mas-sacre", "morceau de choix pour cette programmation fort réussie de "Lété danse au CDC"!
Autre lieu du "off" très prisé pour la danse, le Théâtre de la Parenthèse qui héberge le temps du festival, le projet de "La belle scène saint-denis" (Théâtre Louis Aragon et Le Forum)
Une programmation rêvée au petit matin de dix heure à midi et à 18H dans une cour privée, aux accents intimes de l'échange d'expériences chorégraphiques insolites, insolentes, inédites.La "profession" s'y retrouve avec chaleur et bonheur: un lieu d'échange indispensable, hélas en péril financier mais pas de fréquentation. Lieu incontournable pour y découvrierles propositions variées de Marion Alzieu et Ousseni Dabare "En terre d'attente", "Man Rec" signé Amala Dianor ou encore le matin de la deuxième édition de programmation, "Cantando sulle ossa" de Francesca Foscarini.L'autre et l'ailleurs y sont les propos récurrents dans des esthétiques multipliées où transparait toujours le désir prononcé de l'identité, de l'altérité , de la considération du langage et de l'existence de l'autre"
A 18H, une révélation, celle de la danseuse interprète Lorena Nogal, pour "Portland" sous la direction de Marcos Morau et Lali Ayguadé. Elle est unique, décalée dans son costume gris, étroit avec sa bulle casquée en main, son corps, tel un oiseau téléguidé, oscillant entre raideur, tétanie et glissé fluide.Son regard médusé, ses accents de folie, d'absence très légers sont un travail d'orfèvre On est capturé, captivé par cet être étrange, esseulé qui attire à lui un spectateur, l'abandonne, s'abandonne.Une proposition évoquant l'Amérique et ses dérives, son drapeau signifiant on ne sait plus quoi. Les chorégraphes dénoncent avec beaucoup de subtilité, une "nation" qui se cherche toujours à travers toutes les identités plurielles qui la façonne. A la manière de cette danseuse atypique qui cherche sa voie et nous trouve pour l'accompagner dans ses chemins de traverse
"Aire de jeu/ Bach" de Bernardo Montet avec Kettly Noel et Frédéric Alcazar succède à cette pièce rare et divertit grace à une rencontre judicieuse entre musique et danse, architecture, lieu et résonances multiples sur la question de la rencontre. On retrouve avec bonheur les forts accents de sensualité de la danse de Montet et la vivacité éclatante de Kettly Noel, aux aguets, à l'affut du geste, de l'instant! Chasseurs du beau, les voilà unis pour un singulier duo , duel de solitudes croisées.
Enfin, Romual Kabore, émeut avec son solo "Romual, sans D", sur son être, son nom tronqué à sa naissance, quelque part oublié dont bil doit partir à la recherche và la conquête en compagnie de la musique de Tim Wensey!
De très beaux moments en partage, donc pour cet événement au cœur du off, "La belle scène saint-denis" qui donne envie d'aller y voir de plus près, en saison régulière.
mardi 22 juillet 2014
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