Débrouillez vous il y a plein de pistes, de directions, de chemins...
Alors pour cette soirée, direction "Manoury" pour son "Temps , mode d'emploi", 2014, une oeuvre interprétée par deux pointures du piano, Andreas Grau et Gotz Schumacher.
C'est "piano duo"!
Quand le "temps" se pétrit dans la pensée musicale de Philippe Manoury, il devient "musique en temps réel", source de surprises, de divagations spaciales, de niches spatiales inconnues.
Deux pianos en quinconce, tête à queue et tout un univers de résonnances, de sons qui se croisent, vont et viennent, se réverbèrent, glissent dans un savant chaos de l'immédiat
A la régie informatique musicale, José Miguel Fernandez opère comme un magicien du temps, le prolonge, le réduit, le triture à l'envie
Matières sonores, comme des taches, des touches qui se fracassent, s'entrechoquent dans une tectonique atonale Il plait à Manoury d'évoquer l'univers pictural de Pollock ou Richter, ces paysages fluctuants, où les repères savent faire défaut, se dissimuler aussi dans de longues plages de repos, de calme où l'on savoure chaque note égrenée par les deux interprètes complices
Cette pièce pour pianos, comme une oeuvre majeure et aboutie de la recherche d'un compositeur qui semble avoir trouvé "le mode d'emploi" d'une technique et qui en livre un monde imaginaire au delà de tout système, de tut cliché lié à l'électronique.
Une heure de jouissance où le temps n'a plus de frontière, de limites et nous amène dans une éternité sauvage, paradisiaque et infernale en même "temps"
Kafkaienne, cette version sous forme d'opéra de la nouvelle de Kakfa par Le Balcon, ensemble qui révolutionne ainsi une vision très livresque de l'oeuvre du maître de l'absurde.
Salle comble et bruissante ce soir là à Strasbourg à la Cité de la Musique: on semble y pressentir un "événement" et l'on ne serra pas déçu, mais surpris par l'audace, l'esthétique, le rendu de cette version visionnaire d'un texte hors norme, énorme.
En prologue, "Je, Tu, Il" sur un texte de Valère Novarina, en "amuse-bouche": délires et digressions sur la bouche, cet orifice si photogénique en diable d'où émanent, mots , sons, cris, hurlements et éruptions fracasses ; déjà de petites bestioles vivantes, chenilles et autres chrysalides en mutation, emplissent un bocal filmé en direct et leurs reflets inondent une toile de projection en direct.
Trois bouches fluorescentes, des images vidéos surdimensionnées, un cercle, comme un couvercle qui va délivrer les images ou sons d'une boite de Pandore.....
Le décor est planté pour ouvrir la cérémonie et c'est parti pour un joyeux délire
L'histoire est absurde, la transformation de Grégor en petite bête monstrueuse se révèle prétexte à plein de fantaisie Une mère obèse, au costume transparent, éclairé de l'intérieur, un père en casque, une sœur en tutu et Grégor qui sort à peine de sa métamorphose, dans ce coquillage entrouvert qui livre ses secrets horribles....
Visions de gentil cauchemar, atmosphère débridée, bon-enfant, joyeuse, rythmée.
Que du bonheur et de la verve colorée pour évoquer un univers , celui de l'étrangeté, de la différence.La musique fuse, les voix, chaleureuses, vivantes, surgissent des gosiers, les gestes s'accélèrent, la folie s'empare des personnages et tout va bon train dans ce petit monde agité qui s'organise autour de cette transformation.
Grégor, gracile, félin n'est pas pour autant terrifiant et son image escalade murs et plafonds, se dérobe, va et vient pour échapper à son sort fatal: il sera écrabouillé, écrasé, banni, rejeté, foulé aux pieds par ces joyeux guignols de l'horreur!
Kafkaïen en diable! La scénographie de John Carroll, magique, puissance, irréelle , d'images grossies dans un globe suspendu aux cintres, est saisissante, originale très "plastique".Tony Oursler veille au grain et le groupe Le Balcon tient tête haute dans ces déflagrations pleines d'humour et de distanciation!
tony oursler plasticien |
Les costumes semblent eux aussi sortit tout droit d'une légende archaïque comme ce cancrelat aux élytres et corps monstrueux, étrange, énigmatique
Une soirée où le public en phase enthousiaste, une fois de plus semble aux anges: qui a dit que la musique contemporaine était ennuyeuse et inaccessible?
Un ignorant à coup sûr !
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