Ce soir là à Musica, c'est l'UGC qui abrite une oeuvre filmique de bonne tenue: l'exercice est périlleux: filmer la musique, les interprètes, le décor et la mise en scène d'un spectacle vivant, c'est une gageure et bien plus qu'un acte patrimonial pour la conservation des archives musicales!
Sur un livret de Tanguy Viel, inspiré d'un de ces thrillers, roman tectonique à rebondissement, Philippe Hurel change de registre, se frotte au genre opéra en compagnie de Mariame Clément qui en assure la mise en scène
Et loin d'être un empilement de disciplines, voici une oeuvre "totale" aux accents d'inédit, tant les rythmes du cinéma, de l'opéra s'épousent, se fondent pour une cohérence singulière
Dialogue des arts, arts en dialogue pour une narration et dramaturgie originale: une prise d'otages dans un milieu social de la grande entreprise
Le décor est planté après un prologue où tout se met en place: les héros, perchés sur un dispositif de chantier, échafaudage périlleux où l'instabilité des destins va se jouer en déséquilibre, en danger, à la lisière des possibles. Attention, fragile !
Deux heures durant, on suit les destinées chaotiques, les renversements de situation, aux prises avec les points de vue, le montage les éclairages fort bien restitués pour magnifier l'action
Tous "jettent leur corps dans la bataille", leitmotiv pasolinien que chacun reprend pour lui.
Charlie, la brune et ténébreuse, sensuelle terroriste, Gaelle Arquez,le beau Toni, Aimery Lefèvre, baryton, et tous les autres personnages, séduisants, convaincants,par leur ardeur, leur passion du jeu, leurs diction irréprochable
Pour soutenir une histoire dramatique, le chœur remplit sa fonction d'accompagnateur, épousant les pulsions, les tensions de la musique!
"Laisser de l'air" , de l'espace au voix, confie Hurel à Marc-Olivier Dupin, représentant le soutien de la SACD à l'écriture d'opéra, Très "wagnérien" notre compositeur, admirateur de cet auteur d'opéra hors du commun.
Le film séduit, embarque dans un profond respect, le spectateur dans un autre espace que la scène
Plans larges pour laisser respirer la musique, cadrages serrés pour pénétrer l'intimité et le jeu des acteurs-chanteurs.
Belle réussite, sobre, qui honore le travail de l'Orchestre national du Capitole de Toulouse et immortalise une oeuvre de belle facture musicale: un opéra contemporain qui tient en haleine, tout de tension, de suspens et dont l'intrigue très "d'aujourd'hui" bascule dans un absurde à la Ionesco, fort décapant! Bien ciblé !
Ces pigeons d'argile, aux pieds fragiles, se brisent, volatiles, héros en péril, se jetant dans l'air pour mieux être réduits en miette. A corps perdus, portés par une musique présente à leur moindre geste, physique en diable : on reprendrait bien encore le chemin de cet "enfer" de la société bourgeoise aux prises avec des rebelles presques tendres malgré leur détermination anarchiste: jetter son corps dans la bataille!
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