L'Éden Cinéma
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Du 04/02/2020 au 20/02/2020
Texte Marguerite DurasMise en scène Christine LetailleurAvec Alain Fromager, Annie Mercier, Hiroshi Ota, Caroline Proust
L’Éden Cinéma de Marguerite Duras est une réécriture pour le théâtre d’Un barrage contre le Pacifique. Deux adultes, Suzanne et Joseph, y racontent la vie de leur mère depuis son arrivée en Indochine en 1912. À travers l’histoire du combat de cette femme, qui voit tous ses efforts ruinés par la corruption de l’administration coloniale, c’est aussi leur enfance qu’ils revivent. Pour la metteure en scène Christine Letailleur, cette oeuvre autobiographique est un voyage dans la mémoire revisitée, un retour aux prémices des désirs charnels, ainsi qu’un puissant réquisitoire contre le colonialisme.
Christine Letailleur a adapté et mis en scène des textes de Sade,
Wedekind, Houellebecq, Platon et a participé à faire redécouvrir Hans
Henny Jahnn, Léopold von Sacher-Masoch, Yánnis Rítsos, Ernst Toller.
Elle retrouve ici l’écriture de Marguerite Duras − elle avait
créé Hiroshima mon amour en 2009. Les spectateurs du TNS ont pu voir Les
Liaisons dangereuses de Laclos en 2016 et Baal de Brecht en 2017.
L’Éden Cinéma de Marguerite Duras est une réécriture pour le théâtre d’Un barrage contre le Pacifique. Deux adultes, Suzanne et Joseph, y racontent la vie de leur mère depuis son arrivée en Indochine en 1912. À travers l’histoire du combat de cette femme, qui voit tous ses efforts ruinés par la corruption de l’administration coloniale, c’est aussi leur enfance qu’ils revivent. Pour la metteure en scène Christine Letailleur, cette oeuvre autobiographique est un voyage dans la mémoire revisitée, un retour aux prémices des désirs charnels, ainsi qu’un puissant réquisitoire contre le colonialisme.
Histoire de famille, mais à la "Duras", tendre, cruelle évocation d'un destin où la "mère" va reprendre ses droits et délivrer son "histoire": fable ou conte, récit dialogué d'une destinée hors pair, dans un "pays lointain" où les lois, us et coutumes, font plier les humains devant d'autre horizons: fléchir mais ne pas se briser. Cette "mère", propriétaire spéculatrice des "terres" salines, "concessions" à haut risque que l'actualité géopolitique peut faire basculer du meilleur au pire. Comment cela affecte les uns, les autres, ses deux enfants, nés d'un mariage inconnu, ses deux êtres fusionnels face à l'autorité naturelle d'une femme seule face à son "exil". Deux créatures fragiles en proie à la verve, la dureté de leur génitrice, pas vraiment docile, bien ou mal "lotie" par ses terres conquises: des concessions, marais salants du Pacifique, eaux dormantes qui ne manquent pas de sel, pimentées par ce grain à moudre: la fatalité des destins, celui de la mère inflexible Annie Mercier, dure et sans "concession" pour ses enfants bien ou mal nés Pas vraiment pacifique l'ambiance sur le plateau, éclairé minutieusement par Grégoire de Lafond: décor amovible, écran de cinéma tendu sur la toile du désir.On flotte avec eux dans les va et vient des affects de l'âme, lors de situations complexes qui mettent en jeu, filiation, fratrie, étranger...Tous tendus, émus par une mise en espace, discrète et opérante, les corps se déplaçant à l'envi sur ce territoire géopolitique, kinémato-graphique.
Bien ou mal "lotie", propriétaire de "concessions" spéculatives, la Mère règne en despote et se venge d'un destin bousculé par l'actualité politique...
Annie Mercier en femme vieillissante, poudrée de souvenirs qui collent à la peau et lui donnent l'aspect d'une revenante bienveillante sur les traces de ce passé exotique, colonial dévoilé.Très belle prestation d'actrice confondue, sans concession si ce n'est que d'avoir fait céder les parois d'un barrage, crevé, déchiré par les eaux agitées du colonialisme
Les autres, frère et soeur adhésifs, toxiques, errent dans cet univers étrange où un homme richissime se targue de posséder des voitures de rêve qui font trembler de joie Suzanne, possédée par son charme...Mr jo, séducteur et crooner qui fait de sa proie une victime consentante d'une valse rêvée..Valse à la Duras où les corps s'étreignent, "ravis" par le désir et l'amour, la tendresse aussi.
Ambiance surannée de temps jadis quasi effacés qui revivent ici sur le plateau, écran de cinéma où voix off et hors champs s'amusent à traquer le temps et attraper l'immortalité, l'éternité...Une chaise vide pour épilogue qui songe à tout ce qui s'est passé sous nos yeux deux heures durant: un récit dialogué, pas si pacifique que cela où colonialisme et dureté, fatalité ou destin contrarié s'entrelacent, s’emmêlent et travaillent une tension-détente remarquable; on vibre en empathie, on frémit comme eux au seuil de la jungle dans des bruitages évocateurs de mystère, d'exotisme. Le piano en prologue pour nous rappeler que l'écriture de Duras est aussi celle du "modérato cantablilé" toute en nuances, timbres et retenues, rythme et composition savante de mélodies de l'amour..Qui va piano, va comme elle inventer les meilleures recette culinaires du théâtre vivant !
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