mercredi 5 février 2020

"Multiple-s": la bande à Salia ! Des entremets tissés, passeurs de rencontres rituelles.

"Multiple-s" de Salia Sanou
Scène tournante....
Les retrouvailles, les rencontres plaisent au chorégraphe qui se livre ici à un triptyque, réunissant autour de lui, trois personnalités qui lui sont chères ou devenues complices de parcours artistique
Dans un décor fait de grillages, panneaux qui circulent, frontières ou confessionnal...

"De beaucoup de vous" de Germaine Acogny et Salia Sanou en est l'ouverture: deux joyeux lurons se retrouvent et échangent leur gestuelle sur une scène tournante qui les fait perdre la tête mais garder les pieds sur terre. Doigts tendus en point de fuite ou de fugue comme la musique qui se distille, baroque revisité, entrechoc des époques et des cultures, ils dansent, complices.Balade, poursuite, promenade même avec sa canne, sa troisième jambe, Germaine Acogny mène la danse, prend le dessus des consignes et références....Une petite comédie musicale les rassemble, comme deux Fred Astaire métissés ! Ca can6cane, ça se traque en jeu d'enfants cachotiés derrière les portiques mobiles.La chorégraphe, toujours jeune, au visage lisse et enjouée se rit des postions classiques, de son compère "colonisé" par des gestes d'ailleurs et c'est un régal d'assister en direct à leur complicité. Tout en couleur orangée, comme deux moinillons de temple! Elle scrute la danse solo de Sania en maitre de ballet affublée de sa canne comme dans un tableau de Degas.Tandis que Salia saute, bondit, trésaille, elle fait une petite démonstration de toute l'envergure de sa gestuelle, des épaules, du cou, de la tête. "Places toi" pour mieux jouer, danser, mimétiser et "obéir aux codes qu'ils ont appris, colonisés par les influences Mais la danse de Germaine est bien "contemporaine", plus qu'africaine et Salia lui laisse toute latitude quans sur la planque tournante, en poses figées, immobiles, les deux corps, se livrent comme des sculptures en ronde bosse et chavirent....Pour laisser place à la deuxième protagoniste de l'histoire...


 "De vous à moi" réunit le chorégraphe et l'écrivaine Nancy Huston et fait figure plus sérieuse, plus froide, le danseur accompagnant les récits évoqués par l'auteure-femme tout de blanc vêtue  C'est le vent, le sirocco qui se lance dans l'espace à travers son récit sur un ton rythmé, martelé, lu de façon très pudique, effacée. Il lui donne la réplique en manipulant les feuillets de ses textes, comme un masque, comme un éventail Enfermée derrière les deux pans de grillage, jalousies de volets ou frontière, elle le regarde danser Plus figée et distante, elle  parvient cependant à entraîner dans la ronde son compère plus lointain sans  pétrifier la représentation de mots, de verbe, de textes brefs et percutants.


Passe ton Bach d'abord !
Toujours présent Sébastien se fait chahuter par les uns, les autres, entre tradition baroque et interprétation contemporaine, Bach surveille son petrit monde en fugues et dérobades stylistiques du meilleur effet: comment aussi "passer", transmettre, les notes de ce génie de la composition, face à la danse...?

"Et vous serez là" réunit Salia Sanou au pianiste-chanteur Babx et cela refait surface, fait mouche: chanson à texte, complicité , l'un énumérant le territoire de l'autre sur le tabouret du pianiste dérobé par Salia: une séquence charmante où David Babin se révèle bon danseur comique et malin, discret et musical à souhait Salia Sanou se délectant de sa musique pianistique partagée. Gestes inspirés du chorégraphe soliste se livrant à de belles échappées sur la musique live, rien que pour lui ! Il court, il tourne et les quatre viennent se rejoindre au finale, légère sarabande frontale, valse à deux, charmante et joviale...

Un face à face qui ne tourne le dos ni à la tradition, ni à la création pour avoisiner comique de situation et sensibilité de mémoire commune.En mouvements perpétuels !

A Pole Sud les 4 et 5 Mars

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