Création 2021
avec le soutien du service culturel de l’Ambassade d’Israël dans le cadre du Festival Séquence Danse Paris
avec le soutien du service culturel de l’Ambassade d’Israël dans le cadre du Festival Séquence Danse Paris
Suzanne, c’est la chanson de Leonard Cohen, interprétée
avec ferveur par Nina Simone lors d’un concert au Philharmonic Hall de
New York en 1969, dont des extraits forment la bande-son de la nouvelle
création d’Emanuel Gat. Le chorégraphe y met en scène des jeunes
danseurs israéliens du Inbal Dance Theater, dans une écriture précise où gestes et groupes se
composent et recomposent en permanence en une myriade de propositions
simultanées. Ce questionnement sur la perception du temps, intrinsèque à
la danse, résonne comme un retour aux sources pour Emanuel Gat.
Suzanne, c’est aussi le nom du centre de danse et de théâtre à Tel Aviv où le chorégraphe a fait ses débuts, travaillé pendant quinze ans et monté sa troupe. Et c’est sur la scène de ce centre Suzanne Dellal que s’est tenue en 2021 la première mondiale de cette pièce, se présentant à la fois comme un chant d’amour à une jeune génération et une appréhension d’un passé qui toujours nourrit le présent. Emanuel Gat poursuit ici un travail déjà engagé avec SACRE/GOLD, diptyque issu de la recréation de deux pièces antérieures, dans lequel danseurs et danseuses étaient emportés dans un tourbillon hypnotique.
Plateau nu, silence des corps qui se meuvent à l'envi dans des déroulés magnétiques, sans fin: ode à la musicalité des corps, au souffle de vie de la danse d' Emanuel Gat. Il y a quelque chose de l'ordre de l'alchimie quand parait le "son", après ce prologue silencieux de toute beauté et recueillement. Bribes de paroles de Nina Simone qui va se confier à son public durant un enregistrement live de son concert. Alors qu'elle semble "broder" ses "black gold", improviser de sa voix chaude et éraillée, les danseurs bondissent, reculent, se frayent sans faillir des sentiers et chemins sur la scène, sans heurt, sans contact. Juste la précision des rencontres d'espaces, de regard, d'énergie. Leurs costumes les identifiant comme hommes, femmes ou androgynes à longues jupes flottante et torses nus. Dévoilant des musculatures actives, prospères en grands ou petits bougés.Les déplacements forgent des lignes et traces, les pieds flex ou au carré, arabesques fluides et éphémères, déroulés et envergure des bras comme des ailes du désir et du besoin de danser.Des courses à perdre haleine comme leitmotiv ! Car cette jeunesse hérissée de plaisir de se mouvoir est fertile en énergie, sauts et rebonds virtuoses, légers Des inflexions vers le sol, des réajustements infimes de gestes au cordeau.C'est tout simplement merveilleux et l'on se prend au ravissement et à l'empathie avec ces interprètes aguerris au style Gat dans leurs plus beaux atours dansants. La voix de Nina Simone galvanisant leur sens du détail, des pointés, des revers de direction, des clins d'oeil à Lucinda Childs dans leur parfois nonchalance et abandon corporel. Les applaudissements enregistrés en live couronnent cette empathie féroce avec les danseurs de la jeune compagnie israélienne!
La création lumière vient à juste point souligner les lignes et contours des corps, du groupe pour mieux souligner et faire surgir la densité du mouvement fugace et éphémère. Sculptures mouvantes à la Rodin, ou Carpeaux en ronde bosse singulière.
La création d' Emanuel Gat dans la continuité de l'écriture sobre et très sophistiquée à la fois. Vocabulaire et syntaxe qui respirent le phrasé léger, aérien d'une danse étoilée, cosmique qui ne cessent de tisser des constellations telluriques dans l'éther ou tracer une géographie tectonique dans l'espace. Sobriété et frugalité d'un festin allègre et très digeste d'où l'on revient avec entrain et contagion dans une démarche vive argent délectable...Un opus remarquable pour la précision des impromptus sur mesure face à Nina Simone et à sa générosité vocale et musicale.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire