Tout mon amour est une pièce du romancier Laurent Mauvignier. Un couple, le père et la mère, est obligé de revenir dans la maison du grand-père pour assister à son enterrement. Cet endroit est celui de la tragédie familiale, celui où leur fille de six ans a disparu, dix ans auparavant. Une mystérieuse adolescente va venir sonner à leur porte : qui est-elle ? Une imposture ou l’être tant espéré ? Et qu’en dire au fils, l’enfant devenu unique après la disparition de sa sœur ? Arnaud Meunier met en scène ce « thriller métaphysique » qui interroge ce qu’est un deuil impossible, un retour autour duquel une famille va s’unir ou se déchirer : faut-il y croire ou non ? Peut-on accepter que le passé change de visage ?
Deux personnages, un couple, une grande pièce accessible par un couloir, une seconde antichambre et le décor est planté. Ce qu'il s'y passera en unité de lieu déborde les frontières du temps et de l'espace. Car l'intrigue, la pièce qui commence en dialogue, véritable théâtre" se révèle au départ thriller, suspense et rebondissements. On y "hurle" la douleur ou l'incompréhension, et la souffrance de ces deux êtres affolés et perturbés par le passé et ses "secrets" de famille devient envahissante. Le deuil, motif récurent ces derniers temps au théâtre, se révèle détonateur, bombe à retardement ou grenade qui empoisonne les esprits. Le retour de ce père défunt quasiment "en chair et en os" vient perturber le fils et le hanter au point de le rendre agressif, impatient, incontrôlable dans sa colère. Sa femme s'y frotte et tente d'exister encore en mettant en avant ses caprices de départ, son refus d'accepter les souvenirs enfouis qui resurgissent. Une étrange figure, la fille, fait son apparition dans ce décor triste et remuant. Elle surgit, personnage blessé, malmené, aux cicatrices corporelles évidentes. La douleur a sculpté son corps, déformé ses jambes et mains qui s’agitent en vain et sans contrôle. Sa démarche est déséquilibrée, oscillante, empêchée, paralysée par les stigmates de la souffrance psychique. Une famille en miettes, en morceaux qui ne veut pas recoller les pièces du puzzle...Ambre Febvre incarne cette jeune fille oubliée, resurgie des mémoires avec un tac, une sensibilité et un mimétisme incroyable d'un corps animé par la folie, la démence psychique d'un être renié, abandonné ou disparu de la scène. Anne Brochet en mère impatiente, abusive et accaparante est belle et quasi innocente dans son comportement de déni, d'oubli . Philippe Torreton, le père surfe sur la colère, la révolte, la désespérance avec fougue et sans retenue. La violence de ses propos et de son comportement en font un personnage ingrat, virulent, "hurleur" et vociférant à longueur de dialogue. Le fils, lui, rejoint ce tableau de famille pour éclaircir, tamiser,l'ambiance, tenter de mettre à plat des situations cruelles. Des écorchés vifs au seuil de la dispute, de la chute,de la hargne et de la claque aux conventions de bienséance et de bienveillance: c'est le jeune Romain Fauroux qui s'y colle, longue silhouette apaisante dans cette univers plombé, ramassé, compact à en étouffer et perdre haleine. Quant au grand-père, Jean François Lapalus, il excelle de manipulation et manigances dans une attitude quasi quasi bon-enfant, décalée. Tout l'amour de ces cinq protagoniste, déborde sans cadre, s'affole incontrôlé et néfaste. Trop de sentiments, nuit et la guerre est proche dans un état de siège constant. Pas de répit, ni de pause dans ce déferlement de haine, parfois ponctué de tendresse entre le frère et la soeur qui évoque des souvenirs...Et la boite de Pandore qui contient vêtements et collier de l'enfant disparue, hante et provoque déni, distanciation ou renoncement.Chacun usurpateur face à l'autre pour se faire sa place, son nid, et tenter d'être considéré, reconnu, apprécié. La mise en scène de cette tragédie de l'urgence, de l'impatience, fébrile et débridée, souligne les émois et revirements des corps aux abois. Arnaud Meunier au service d'un texte de Laurent Mauvignier qui n'a de cesse de remuer et exhumer la mort de ceux qui ne le sont pas...Dans les esprits et les corps condamnés par la souffrance non libérée, même par la parole....
L’écrivain Laurent Mauvignier a reçu de nombreux prix, ses oeuvres − romans, récits, théâtre − sont publiées aux Éditions de Minuit. Il écrit aussi pour la télévision et le cinéma. En 2015, dans le cadre de L’autre saison, Denis Podalydès a interprété son texte Ce que j’appelle oubli. Le metteur en scène Arnaud Meunier dirige la MC2: Maison de la Culture de Grenoble – Scène nationale depuis 2021. En 2018, il a présenté au TNS Je crois en un seul dieu de Stefano Massini.
En chorégraphie,il y a eu la rencontre avec Laurent Mauvignier dont Angelin Preljocaj met en geste le récit "Ce que j’appelle oubli" en 2012. Sa création, "Retour à Berratham", les réunit à nouveau par le biais d’une commande pour la danse. "Une tragédie épique contemporaine, telle était ma demande à Laurent Mauvignier".
https://genevieve-charras.blogspot.com/2015/07/avignon-invente-le-texte-danse-le-corps.html
https://genevieve-charras.blogspot.com/2012/09/ce-que-jappelle-oubli-le-corps-du-texte.html
Au TNS jusqu'au 5 Avril
3 commentaires:
Il est si juste ton texte. Oui je l’ai saisi ainsi c’est vraiment une perfection que cette sorte de thriller métaphysique et je me suis aussi rendu compte que si je parvenais sans peine, comme dans la vie j’espère, à comprendre la tragédie des autres ou leur mal-être et remercier le ciel de la chance que j’ai eue !!!
D’ accord avec toi . Un peu gênée par la façon de jouer de Torreton c’est toujours un peu trop mais c’est juste .
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