lundi 18 mars 2024

"La chambre d'eau" Marie Barbottin baigne dans la matrice de ses rêves: histoires d' eau...

 

La chambre d’eaux

La chambre d’eaux est une fable contemporaine. L’histoire d’une jeune héroïne, née dans une baignoire, le poing en avant, qui, affranchie des injonctions liées à sa condition de petite fille, se revendique humaine avant tout. La chambre d’eaux est une histoire pour les enfants… mais pas que. S’y pose la question de la possibilité – quel que soit son sexe – de grandir et de se construire dans l’égalité, à contre-courant des normes sociales. Réunis dans un même espace, interprètes et spectateurs sont enveloppés dans un paysage sonore et visuel luxuriant avec, au centre, un amoncellement de fleurs séchées et une baignoire sabot ancienne et colorée. Une subtile forme de récit où les mots, la musique et les danses de l’interprète Marie Barbottin entrent en dialogue avec le danseur Yan Giraldou, en charge de l’interprétation en Langue des Signes Française, faisant de cette très belle pièce un inédit solo pour deux interprètes.

"Sasha"

Une histoire de plasma, de matrice, de nid douillet: le ventre de sa mère qui donne naissance à un personnage expulsé du liquide amniotique, celui qui  permet au bébé de se déplacer librement pendant les neuf mois de la grossesse, il lui fournit de la chaleur et amortit les chocs éventuels ... avec joie et tendresse. Une fille est née "fille" selon les paroles de son environnement: destinée à obéir, se soumettre ou ne rien entreprendre. Son frère c'est cet homme sur son perchoir qui double la voix off enregistrée. Voix douce ou déterminée interprétée par Hortense Belhôte. Frère et soeur dans le bain, dans cette baignoire, ce tube, matrice, habitacle idéal pour barboter et se mouvoir.  Un personnage à part entière avec ses quatre pieds de lion à l'ancienne. S' y lover à l'endroit, à l'envers selon les mouvances de l'eau . La "petite fille" grandit et se questionne à propos du robinet du frère qu'elle ne possède pas. Tout juste une "blessure" avec un tout petit robinet que l'on pourrait peut-être étirer aussi ! La danseuse est solide, les gestes fluides, l'expérience aquatique feinte dans des attitudes et postures adéquates. Elle dessine aussi avec tout son corps, de l'argile plein les mains sur la "page blanche" du tapis de danse tout noir. Destin qui la façonne dans son être, la construit et lui permet d'exister pleinement hors norme et cadre. Dessiner au sol, agrandir ces fresques spontanées inventées et senties grâce à la complicité d'un illustrateur Stephan Héloin impliqué dans le processus de création. Langage des signes pour son compagnon de jeu qui interprète ses émotions en prolongeant les codes en des mouvements loin du mimétisme ou du mime. Un engagement insolite et partenaire de cette narration bordée et soutenue par la musique live du guitariste présent en symbiose.Yan Giraldou pour le DLS, Nicolas Martz  pour l'interprétation et la création sonore. Un trio touchant, intriguant qui fait réagir les enfants assis en rond autour de ce décor végétalisé de lichen qui grimpe sur le perchoir et évoque une forêt utopique, irréelle, magique. Du bel ouvrage que cette pièce unique taillée sur mesure qui touche un sujet, la transidentité, le genre ou tout simplement l'être que l'on cherche à être ou devenir par tous nos moyens, seul ou en compagnie des autres. Marie Barbottin signe ici une mise en espace et en corps  d'un texte sobre, évocateur, universel manifeste de l'identité commandé à Cattherine Verlaguet. Ca parle et interpelle au bon endroit! Pas loin du "deuxième sexe" de Simone de Beauvoir....

 


A Pole Sud jusqu'au 19 Mars

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