Noir-Lumière Outrenoir ont ici le droit de cité, de citer, d'évoquer la démarche picturale d'un artiste peintre, épris du noir comme composante récurrente de son oeuvre au noir!
Danse -cité d'une écriture spatiale de la
Cité, agora, mégalopole et Viva-cité d'un univers inspiré des toiles de Soulages.
"A travers un questionnement sur l’architecture, c’est aussi la notion du vivre ensemble dans la cité qui nourrit Pólis, la récente création d’Emmanuel Eggermont. Silhouettes saisies dans l’espace, mouvements sobrement segmentés, les interprètes tracent les signes énigmatiques d’une utopie.
A l’écart de toute forme de réalisme, l’écriture du chorégraphe s’exprime dans l’abstraction. Telle une calligraphie, portée par un geste poétique, elle guide avec délicatesse et élégance les pas suspendus des danseurs. Parfois selon leurs postures angulaires ou l’inclinaison des corps un peu de guingois, elle semble peindre sur scène – par couche superposées, tuilages et teintes subtilement dégradées – une autre façon d’être présent au monde. « Peindre et non dépeindre » comme aimait à le dire Pierre Soulages. Cette figure majeure de la scène picturale française hante la création d’Emmanuel Eggermont. Le célèbre peintre du noir et de la lumière est aussi l’une des sources d’inspiration de Pólis. Larges tracés obscurs, gravité, pesée des objets, coupes de chantier ou lignes charpentées, expriment une réalité sensible dont les corps et leur subtile présence savent extraire tout le suc."Un funambule, frontal, ouvre le bal, impassible personnage, fragile, un oiseau mécanique lui emboîte le pas, corbeau noir menaçant et pourtant tranquille: un homme traverse la scène, un cadre noir sous le bras. Le ton est donné, entre absurde et surréaliste, la pièce de Emmanuel Eggermont sera énigmatique, étrange, dérangeante.
En pauses, en tableaux qui se succèdent, apparaissent de singulières créatures: une femme, jupette plissée glisse et trace une danse précise, hachée, virtuose de sagacité Un peu animal sorti d'un bestiaire curieux, un autre s’immisce danse, spirale élastique, dextérité des mains, incroyable vélocité des jambes...C'est Mackenzy Bergile, danseur inouï à la plasticité, virtuosité inégalée...On songe à un univers fantastique, à la Kafka, ou proche de Joseph Nadj et ses légendes traditionnelles d'où surgissent formes, sculptures et créatures bizarres.
Un masque noir, un mikado de baguettes instables, des corps qui construisent inlassablement des structures architecturées, charpentes d'une dramaturgie qui ose le décalage, l'indicible, l'incompréhensible.Comme un échassier, doigts en éventail, l'un d'entre ces cinq bestioles très humaines, se meut, fulgurant interprète de son propre corps, histoire singulière d'un état de désarticulation, émiettée. Des bras papillons pour Emmanuel Eggermont, figure précise, gestes au cordeaux, baroque précision, enluminures gestuelles pour camper une créature hors du commun, gracieuse, changeante .Et de se métamorphoser en cygne noir, bras graciles et formes de cou de volatile souple et ondulant....
Tous sont en "noir" plis contre plis, pour évoquer un univers cendré, juste étincellent de cette "couleur" recherchée par Soulages, tout au long de son oeuvre peinte.Une couverture de survie, grise sert de moule à une forme humaine qui va sortir d'entre les doigts d'une femme qui sculpte ainsi une sorte de chrysalide ou sarcophage qu'elle dresse.
Comme une empreinte, une trace indélébile du temps qui passe au filtre de cette atmosphère de noir, de blanc, de lumières domptées par les corps en mouvance ou images, icônes arrêtées pour la contemplation même. Dans un rituel mesuré, conquérant des âmes intranquilles. Cinq panneaux mobiles pour mieux figurer le champ d'action: la toile, la tension, la solidité des expériences de Soulages sur la matière. Les corps simulent traces, griffures, plissés, rayures et matière scintillante. Le noir reflète, renvoie à la lumière, existe et se répand sur le plateau.Chambre noire, d'une oeuvre au noir, marché noir d'un commerce étrange de formes surréalistes. Ou bestiaire fantastique à la Schongauer, architecture droite et rigide d'un Schlemmer ou esthétique à la Hugo Ball et son dada irrévérencieux....
Hugo Ball |
Architecte.... |
A la manière d'Alfred Kubin pour les créatures fantomatiques de gris et de noir, à la Grunewald pour l'ambiance surréelle ou Victor Brauner pour l'aspect hybride des formes mi hommes, mi bêtes!
A. Kubin |
Alfred Kubin |
Vélikovic/ Grunewald |
Hussein Chalayan, Jean Paul Goude quelque part émergent de cette esthétique de l'architectural, des lignes droites, du stricte tracé, précis, dosé, en strates et niveaux dignes d'un fil à plomb ou d'un niveau d'architecte urbain.
Victor Brauner |
H..Chalayan |
J.P. Goude |
Une exposition de photos de Jihye Jung, danseuse interprète, travail préparatoire infiniment, intimement lié au spectacle, affiche ses créatures fantastiques dans un noir et blanc contrasté, brillant, comme une série de portraits aux cimaises d'une galerie éphémère digne d'un musée imaginaire
L'intime pour credo, le silence noir comme mélodie.
(Polis) à Pôle Sud le 6 Février
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