Fils de Marcel Khalifé, figure emblématique de la musique orientale, le virtuose franco-libanais porte en lui un héritage culturel et musical qu’il met à profit dans ses compositions hybrides. À mi-chemin entre Orient et Occident, piano classique et musique électro, il mêle traditions et styles musicaux avec une évidence stupéfiante. Son ouverture aux formes et aux expériences les plus diverses l’amène ici au cœur d’un spectacle circassien. Assis au piano au centre du plateau, le musicien nous livre des compositions intimes et ouvertes à l’autre et invite ainsi à un véritable dialogue entre l’instrument et le geste. Acrobates et danseurs font écho à la sensualité des paroles et à la fragilité des mélodies, guidés par un rythme auquel ils donnent corps. Portés acrobatiques, funambulisme et danse mettent en mouvement une musique hypnotique, puissante et aérienne.
Filet de lumière sur le pianiste qui égrène quelques notes mélodiques volatiles, apparition dans cette ambiance flottante et aérienne d'un funambule à peine éclairé, homme sans tête, les jambes hyper mobiles. Sans filet ni barre, le voici qui glisse, danse et caresse le fil , recule, saute, fait volte face et chemine, tendu et serein sur la corde raide, long parcours quasi au dessus du pianiste. Florent Blondeau, agile, inspiré, versatile...Téméraire !
Rimbaud est proche avec ses "Illuminations": " J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse".
.Acro-baths !
Font irruption cinq autres personnages qui vont se confondre, en noir et blanc dans cet univers où l'éther est roi, ou le combat avec l'apesanteur sera un défit lancé tout au long du spectacle.
"Portés acro", "Danse acro" pour ces nouveaux partenaires: une terminologie abrupte et très technique pour une discipline ardue, virtuose, mais ici sans âme.Porteurs et portés dans une partition où les notes restent alignées et sans bémol, dièse ni bécarre. Une gestuelle gymnique, très loin de la danse, qui s'avoue stérile et sans âme. De dessous le piano, qui accouche de ses touches en noir et blanc, les interprètes n'apportent rien à la poésie de l'introduction, sur le fil du danger et de la danse....Solo de piano pour mieux s'envoler et atteindre quelque félicité amoindrie, voix râpeuse et sensuelle du pianiste Bachar Mar Khalifé, aux accents arabisants mélodieux....Corps-contact où le relâché, le lâcher prise n'opèrent pas sur le spectateur, témoin d'exercices ou de performances vides.
Le mât chinois prend vie quand on découvre, perché sur le faîte, un homme, oiseau, qui prie et chante la libération des dieux, esclavagistes...Un "numéro" hors pair de Fabian Wixe, souple, inattendu, incongru magicien du vide, exécutant des figures inouïes sur le mât, verticalité des sensations et vertiges de l'horizontalité qu'il trace dans l'espace. Miracle de la virtuosité,suspens, surprises et tension: on est en empathie avec lui, en osmose devant tant de grâce et d'imagination.
Séquence suivante, celle d'une berceuse dont on comprendra les paroles qui retombent dans l'illustration et la faisabilité de figures apprises sans âme. Dommage car survient un tableau évoquant sur le trampoline géant, comme une piscine à vague, un tarmac puissant réceptacle de cette tribu soudée par l'instant présent. L'un d'entre eux s'en détache, lilliputien sur un immense lit, pour un ballet aérien dans l'éther, tentant d'accéder aux cieux dans l’acmé de la grâce, de la félicité.Gaëtan Levêque, subtil interprète, danseur des airs dans le zénith et l'apogée de l'apesanteur, accède aux étoiles et nous conduit sur le chemin de l’irréel bonheur de flotter, au ralenti, suspendu.
Il vole, flotte comme les personnages de Bill Viola dans ses plongées vidéo oniriques.
Bill Viola |
Fin du spectacle, saluts, ou plutôt, fausse fin bordée d'un rappel bien calculé: un solo prestigieux de Mael Tibibi, clown, pantin, poupée de chiffon désarticulée, gracieux et sensuel, étrange personnage en répondant avec le pianiste: belle osmose atteinte pour un numéro tendre et tant attendu: un véritable dialogue avec la musique, le corps de l'instrument, partenaire éphémère du danseur, caressant le corps, la carcasse résonnante du piano.Cordes et percussions en alarme, en alerte pour maintenir en quelques secondes, le merveilleux de ce "Piano sur le fil": touches en noir et blanc subtiles pour une mélodie du corps sans autre démonstration ni ambition.On songe au "Le piano oriental" de Zéna Abirached...
Le "Plus petit cirque du monde" y prend toute sa dimension !
Le "Plus petit cirque du monde" y prend toute sa dimension !
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