vendredi 13 octobre 2017

L'Accroche Note au festival Voix Étouffées: se faire entendre !




Sous la direction artistique d'Armand Angster, avec Françoise Kubler, soprano, est dirigé par Amaury du Closel.
Le festival Voix étouffées présente sa 8ème édition sur le thème «Mémoires d'exil», du 1er octobre au 14 novembre 2017. Il favorise la reconnaissance des compositeurs reniés sous les totalitarismes, souvent exilés comme Kurt Weill, Hanns Eisler, Franz Schrecker ou Josef Koffler. Kurt Weill (1900-1950) Frauentanz, Hanns Eisler (1898-1962), Vierzehn arten, den regen zu beschreiben, Jozef Koffler (1896-1943)?Die Liebe Franz Schreker (1878-1934) Der Wind, Hanns Eisler (1898-1962) Palmström,
Soirée intime, douce-amère, autour de compositeurs injustement mis au ban de la société par le régime nazi... A ne pas manquer pour les amateurs de musique de chambre et d’Accroche Note évidemment ! Une introduction éclairante de Amaury du Closel, en préambule et prologue et nous voici catapultés dans les prémisses de la musique contemporaine, la modernité du siècle dernier avec ces talents de compositeurs, étouffés dans l’œuf ou en proie à l’exil ou la mort prématurée. La diversité stylistique du programme se révèle avec en "entrée" l'oeuvre de 
Kurt Weill Frauentanz pour soprano, flûte, clarinette, basson, cor, alto 11’
Françoise Kubler, tout de couleur marron enveloppée dans un peignoir sobre gabardine de velours, talons hauts et fière allure apparaît aux côtés des musiciens.Dans l'écrin de l'Eglise Saint Guillaume, c'est comme une apparition de bonne augure et grave.Quatre vents pour une marche légère, enjouée où l'on décèle les sonorités du cor grave, cher à Kurt Weill, sa marque de fabrique, sa signature!
Un violon aux notes langoureuses, une voix éclatante et chaude dialoguent, alertes, ponctuées, vindicatives.Affirmative et convaincante, appuyée d'intentions très courtoises pour chanter sept courtes pièces, dédiées à l'amour, stylé, bordé d'ornements distingués, recherchés, "courtois". La chanteuse vibre et implore, flûte et clarinette bordent sa voix chaleureuse et enrobante: éloge de  la femme, ode à la beauté, à la sobriété avec quelques grains de fantaisie et  dedésordre amoureux!
Hanns Eisler Vierzehn arten, den regen zu beschreiben pour flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano 14′
La pluie, ici évoquée délicatement en introduction par piano et violoncelle en forte et contrastes de volumes sonores, se fait omniprésente, sensible à l'écoute de ce thème décliné à l'occasion.Le climat est nostalgique et mélancolique, le piano égrène les notes comme autant de perles de pluie.C'est fluide et plein d'aisance, de fougue aussi, le piano menaçant, envahissant, montant dans des crescendos dégradés: pression et tension naissent dans cette ascension fulgurante de notes, au final, torrent de pluie!L'orchestre de "chambre", formation en pleine forme, performante et charmeuse!
Jozef Koffler Die Liebe pour soprano, clarinette, alto, violoncelle 13’
Ici la présence de la voix refait surface, s'infiltre, s'imisse entre violon et violoncelle, s'y glisse, timbre profond en poupe, tranchant à souhait.La voix alanguie, lumineuse évoque l'amour, de façon brillante et émouvante.Recueillement, émotion sont de mise, dans une dramaturgie de la partition: un récit qui conte sans doute une histoire sombre, grave, triste, éprouvante: les traits de la cantatrice se métamorphosent dans un jeu sobre et habité, les mouvements musicaux s’enchaînent, séquences variées de cette oeuvre à la fois radieuse et noire.Florissante et riche de mariages et d'alliances avec les instruments, fidèles compagnon de la ligne vocale mélodique.De la douceur,, de la tendresse qui caresse les aigus et apaisent.
Franz Schreker Der Wind pour violon, clarinette, cor, violoncelle et piano 17′
On change de registre pour évoquer le vent, élément dominant de la pièce qui donnera souffle et envergure à l'opus.Petits souffles légers de vent, de brise,comme un paysage qui s'ouvre et rayonne.Une ambiance volatile, bucolique, champêtre se dégage, une invitation à la balade, la rêverie! On y voit des rondes endiablées, dansantes, des surprises tonales qui déroutent, aux couleurs alertes et veloutées. Tourmente, tornade, menaces de valses ensorcelantes.C'est entraînant, le rythme conduisant à soutenir un tempo et tonus exigeant.Une course contre le vent, à rebours et rebrousse poil, pour cette danse fiévreuse, entêtante: le son percute et affronte l'espace de front, gronde, suspens à l'appui.Une atmosphère de "passage" linéaire, horizontal qui file dans le temps, déferle, enfle, se gonfle et expulse le son dans une force et puissance dense, épaisse, compacte Dans une apothéose globale, entière, puissante et résonnante, qui frétille et gambade, s'achève l'opus, plein de vie, de sensations, d'aventures spatiales et sonores. Une pastorale joyeuse et champêtre qui nourrit l'âme!
Hanns Eisler Palmström pour soprano, flûte, clarinette, violon/alto, violoncelle 5′
C'est au tour de la voix parlée de prendre le relais: chantée, anonée , vive et très présente grâce au jeu de la chanteuse, à qui ce registre sied à merveille: on y sent de l'aisance et de la maitrise de la part de Françoise Kubler, habitée par  ses sons alertes, sonnant, vifs en syncope dans un bel allemand: elle déguste, savoure les mots avec gourmandise, mâche le texte avec délectation, s'affirme avec brio et sensualité dans cette pièce, très courte et percutante, tonique et déroutante! Elle se joue des difficultés, dans son élément naturel, dans une vraisemblance et évidence naturelle!
Un concert bien "gonflé à bloc", pas "étouffé" du tout pour faire resurgir les talents bafoués, harcelés, discriminés, écrasés de tant d'artistes trop tôt "étouffés" dans l’œuf ou condamnés à l'exil: on le sait parfois pour le meilleur des métissages, passations et autres échanges culturels salvateurs.
Françoise Kubler, soprano  Anne Cécile Cuniot,flûte / Armand Angster, clarinette , Lucas Di Lazarro, basson,Vincent Léonard  cor,Valentino Corvino violon et alto / Christophe Beau, violoncelle, Frranco Venturini, piano....

jeudi 12 octobre 2017

"Le pays lointain" Lagarce-Hervieu-Léger: famille, je vous hais ! Je vous adore!

Le Pays lointain, que met en scène Clément Hervieu-Léger, est la dernière pièce de Jean-Luc Lagarce, aujourd’hui l’un des auteurs contemporains les plus joués en France. 

Sachant qu’il va mourir, Louis, pas même âgé de quarante ans, décide de retourner vers sa famille pour l’annoncer.
Dans ce voyage, où présent et passé se mêlent, il traverse ce que furent les vingt dernières années de sa vie : la nouvelle famille qu’il s’est choisie, son amant mort, ses amours possibles ou vécus, son travail d’écrivain... Un chemin chaotique, poignant, plein d’humour aussi, vers l’ultime confrontation.
Scènes de chasse en famille
Convoquer les fantômes dans un décor de no man's land, parking peu éclairé par un long lampadaire, voiture abandonnée, défoncée, palissade: tout servira ici une atmosphère de mort, de recherche du passé, composé, d'une famille qui se cherche. Chacun des membres ou proches respire quelque chose de suranné, et le malaise gronde Quatre heures duran t: les onze personnages ne quitteront pas le plateau, jeu d'échecs sans fin où les pions avancent, reculent, sautent et filent comme des fous sous l’œil bienveillant de la mère, la tour et l'absence spectrale du père, le roi.Les cavaliers autour s'agitent, se racontent et dévoile le passé à corps perdu, jetés dans la bataille.C'est la curée dans cette chasse à courre où l’hallali appelle à se rendre, capituler devant les pouvoirs ou faiblesses de chaque membre de la famille qui se déchire devant nous.
La boite de Pandore
Famille, je vous aime, serait-on tenté d'esquisser en commentaire mais aussi , je vous hais, celle que l'on a pas choisie Et même les amis, ceux de Louis, le centre du récit, vont le trahir ou l'acculer à se dévoiler. Des "abandonnés" à leur propre sort...
Ils-les comédiens-campent cette humaine assemblée, agora du verbe, du dire et de la parole avouée; Les gestes sont éloquents, la mise en scène sobre et mesurée: ils gravitent, se tiennent à l'écart-pour les deux fantômes, père et amant-perchés sur la balustrade...La carcasse de l'automobile sert d'écrin à des pulsions amoureuses entre hommes, épave qui renferme comme une boite de Pandore, tous les "mots", les maux de ce microcosme.
On salut les interprétations de Audrey Bonnet, la sœur rebelle, de Nadia Stancar, la mère trop présente, maître de cérémonie,  de cette épopée, digne d'un Molière ou Marivaux
Et bien sûr, la performance de Loic Corbery, un Louis, perdu, égaré, sincère, paumé dans ce jeu de quilles où qui perd, gagne
On songe à la version cinématographique de Xavier Dolan "Juste la Fin du Monde"et le texte de Lagarce prend force et fureur, douceur aussi, des amours interdits ou censurés...Aux "Règles du savoir vivre dans la société moderne" qui inspira Odile Duboc et Françoise Michel, férues de Lagarce: corps impliqués comme dans le travail de cette chorégraphe, aujourd'hui, elle aussi, disparue. "Chercher comment recharger chaque soir un geste de sa vérité du moment ». Un journal intime proche de Lagarce, incarné par un collectif, soudé par la connaissance des textes et la complicité avec toute cette génération d'auteurs sensibles, pétris de culture contemporaine cinématographique.
Pasolini, n'est pas loin avec son "Théorème", son personnage angélique, trublion de famille, vilain petit canard claudiquant, pavé dans la marre familiale!

Au TNS jusqu'au 13 Octobre
sacdac

mercredi 11 octobre 2017

Flamenco !!