lundi 10 juin 2024

"Un songe, une nuit, l'été": j'ai fait un rêve...Shakespeare découronné , déculotté dans la Vallée de la Faveur menacée...

 


"Un songe, une nuit, l'été"

Que le premier que tu verras
Ane, chien, orvet ou belette,
Ours, tigre ou cancrelas,
T'ensorcèle le coeur et la tête
Et les sens les moins exercés
Comme les plus perfectionnés.
Joli programme .... Shakespeare, notre contemporain
 
"les vents nous ont amené des brouillards malsains et des pluies violentes qui ont frappé de démences les plus humbles rivières. La confusion et le trouble règnent. La lune bouleverse les mers. Le travail des champs est anéanti. Le blé pourrit avant de mûrir. La boue et les herbes recouvrent tout. Les saisons ont changé leurs habits. Les mortels ne savent plus comment se vêtir, les rhumatismes pullulent et les poètes ne peuvent que célébrer une cacophonie de météores" Tout ça c'est la faute a Titania Obéron qui se font la gueule il parait... Mais nous on s'en fiche. On jouera quoi qu'il advienne !"
 

 Quand Shakespeare prend ses quartiers d'été, on songe avec bonheur à un théâtre de plein air, peuplé de fées, de chimères, de sorcières...Et voici le grand Sabbat épaulé par la compagnie du Matamore: un sabbat à la Goya sans nul doute mais plein de verve, d'humour et de distanciation! 
 

Par un beau soir de printemps, nous voici jetés et projetés après l'apéritif de bienvenue offert par les hôtes du site du Guensthal dans une odyssée truculente des pérégrinations d'un petit peuple bigarré et chatoyant. Les présentations sont de bon ton et ouvrent le chemin aux futures intrigues et rebondissements. Dans la prairie, un cercle magique, rond de sorcières où les chapeaux des bonnes ou mauvaises fées seront champignons hallucinogènes et autres fabuleuses images d'Epinal. Imagerie Wentzel du musée proche de Westercamp à Wissembourg...
 

Deux couples amoureux qui rêvent d'être au diapason alors qu'ils ne s'aiment pas seront dirigés et contraints par les autorités parentales et royales. De quoi alimenter les coups de théâtre, les empoisonnements ou autres hypnotiseurs de fortune. Un personnage clef, phare des embrouilles et autres quiproquos sera responsable de ce charivari, ces imbroglios magiques.Un fou qui fait des diagonales et hante ce petit monde sensible, humain, désopilant. C'est Yann Siptrott qui s'y colle avec malice et truculence comme un diablotin, électron libre qui flatte, interroge et solutionne tous les problèmes liés à l'existence de ces treize personnages fameux. Face à son maitre, il virevolte, esquive, ment et détourne pour mieux faire régner la zizanie dans le rétro! On suit avec délectation les faits et gestes de cette tribu, au sein de ce manège, arène bucolique auréolée de petites lucioles de lumière au crépuscule du soir. Ambiance de clairière aux fées garantie.Théâtre "forestier" affuté, futé, inventé par ses deux protagonistes, Serge Lipszyc en Bottom et Yann Siptrott,en Puck également impliqués dans le jeu et la mise en espace.
 

Leurs compères et complices de cette farce rocambolesque, tous plus intuitifs et glorieux les uns que les autres: Magalie Ehlinger, Helena, en pleine forme, pleine voix ainsi que sa rivale amoureuse ravie ou trahie, Hermia-Emma Massaux-, forte personnalité dramatique.
Charles Leckler – Lysandre (Jeune Athénien),charmeur et charmant,Geoffrey Goudeau – Démétrius (Jeune Athénien), ferme et déterminé. Que de destins indescriptibles et attachants que l'on suit avec empathie et beaucoup d’intérêt  solidaire. Grace à la magie du lieu qui fait rêver et "songer" avec beaucoup d'incarnation des rôles, à cette nuit shakespearienne de toute intensité.  On se prend les pattes dans les étoiles d'araignées, on rit et sourit face aux déboires et désespoirs des uns et des autres. Les costumes de Maya Thébault épousant tous les personnages: du "bleu de travail" très pastel et tendre de la troupe de théâtre invitée aux noces des amants contrariés, aux froufrous aguichants des mêmes héros de pacotille lors d'une représentation très "nanar" d'une comédie désuète et naïve. La mise en abime du théâtre dans le théâtre pour mieux nous troubler et nous renvoyer à une mythologie de demi-dieux bien charnels et joueurs...Car il y a du sentiment, du grotesque, de l’appuyé dans le jeu de tous qui rivalisent de punch, de tonus.Les courses folles et autres échappées belles des amants torses nus dans la prairie lointaine sont croustillantes...La mise en espace jouant sur les profondeurs de champs, la petite estrade derrière laquelle apparaissent et disparaissent les personnages comme dans un jeu de guignol burlesque. Du bon, du beau pour ce spectacle estival généreux, inventif et captivant: un rêve éveillé au pays de l'impossible bonheur et de la réconciliation. 
 
sophie thomann: le mur

Entracte autour d'une bonne potée, goulasch concocté par les patrons Sonia et Georges Flaig de chez Anthon à Obersteinbach: les nourritures terrestres à portée de bol collector signés Siptrott et de bonnes petites pyramides de fromage caprin. Une expérience théâtrale hors norme, une compagnie qui nous ressemble, fédérée, partageuse et joviale. "Cum panis"-en bonne compagnie- pour rompre la monotonie et déguster sans modération dans une riche adaptation, didascalies incluses, le patrimoine théâtral "classique" qui a bien de la réalité et de la diversité, de l'impertinence autant que de la pertinence. Du culot, du suspens, de la cadence, du chant choral a cappella pour dérider un public ravi et conquis par cette version du "Songe d'une nuit d'été"....Et l'on "songe" à "la chanson du fou": "Elles vont errer, crains d'en rencontrer quelqu'une, les lutins de l'air vont danser au clair de lune"...de Bizet et Victor Hugo. Et un âne bâté en vaut bien deux! Emballé, c'est "dans la vallée"!
 
Au Guensthal Vallée de la Faveur les week-end jusqu'au 7 Juillet.
 

Distribution :

David Martins – Thésée (Duc d’Athènes) et Obéron (Roi des fées) Muriel-Inès Amat / Blanche Giraud-Beauregardt – Hyppolite (reine des Amazones) et Titania (Reine des fées) Patrice Verdeil – Egée (Père d’Hermia), Toile d’araignée (Fée au service de Titania) et Snut dit Le douillet (menuisier) / le lion dans l’intermède Yann Siptrott – Philostrate (Maître des réjouissances) et Robin Goodfellow, dit Puck la caresse (Serviteur d’Obéron) Charles Leckler – Lysandre (Jeune Athénien) Geoffrey Goudeau – Démétrius (Jeune Athénien) Emma Massaux – Hermia (fille d’Egée et ,Jeune Athénienne)Magalie Ehlinger – Hélèna (Jeune Athénienne) Isabelle Ruiz – Peter Quince dit Lecoing (charpentier) / prologue dans l’intermède et L’elfe (Fée au service de Titania) Sophie Thomann – Tom Snout dit La truffe (rétameur) / mur dans l’intermède et Grain de moutarde (Fée au service de Titania) Bruno Journée – Francis Flute (raccomodeur de soufflet) / Thisbé dans l’intermède et Phalène (Fée au service de Titania) Serge Lipszyc – Nick Bottom (tisserand) / Pyrame dans l’intermède Muriel-Inès Amat / Blanche Giraud-Beauregardt  – Fleur des pois (Fée au service de Titania) et Robin Starveling dit L’éflanqué (tailleur) / la lune dans l’intermède

Adaptation et mise en scène: Serge Lipszyc Lumières: Jean-Louis Martineau Scénographie: Sandrine Lamblin Costumes: Maya Thébault

C'est une histoire complexe dont l'action se déroule à Athènes en Grèce et réunit pour mieux les désunir deux couples de jeunes amants : Lysandre et Hermia d'une part, Démétrius et Héléna d'autre part. Hermia veut épouser Lysandre mais son père, Égée, la destine à Démétrius, dont est amoureuse Héléna. Lysandre et Hermia s'enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Héléna. Pendant ce temps, Obéron, le roi des fées, a ordonné à Puck de verser une potion sur les paupières de sa femme, Titania pour se moquer d'elle. Pendant la nuit, une grande confusion règne parmi tous les personnages.

La scène la plus connue est l'apparition de Bottom, qui porte une tête d'âne, avec Titania, qui, par la magie de Puck, en est tombée amoureuse.

 

 

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