mercredi 5 juin 2024

VanThorhout , Alexander Vantournhout / not standing : à Thor et de travers sans avoir tord...On la tourne-boule


 

VanThorhout , Alexander Vantournhout / not standing

Fils d’Odin et dieu du Tonnerre, Thor n’est pas seulement une figure d’un lointain panthéon scandinave. Les bandes dessinées et surtout l’industrie cinématographique en ont fait un représentant incontournable de l’univers Marvel. Non sans ironie, c’est donc à une véritable icône du présent que s’attaque Alexander Vantournhout, jouant au passage avec son propre nom pour donner son titre au spectacle.Son marteau Mjöllnir à la main, soumis au point qu’il lui revient quand il le lance, le héros incarne sans ambiguïté tout à la fois la force, l’autorité et la maîtrise des éléments naturels. Mais l’artiste inverse le rapport de force : devenu plus long, plus souple, c’est désormais l’objet qui imprime son rythme à l’homme qui doit composer avec lui, dans une chorégraphie exclusivement circulaire, qui n’est pas sans rappeler la tradition des derviches tourneurs. En jouant avec l’image du surhomme, Vantournhout déjoue les codes de la virilité, propose une vision décentrée du monde et trace par le mouvement dansé les contours d’une humanité sensible à son environnement.

Torse nu et musclé, il apparaît sur scène en tant que Thor,  Dieu guerrier nordique, accompagné de son emblématique marteau,  tellement puissant qu’il peut créer la foudre ou arrêter les tempêtes.  Jouant avec cet objet phallique, il le transforme en un marteau souple, à  la fois puissant et fragile. Il explore la gestuelle d’images  archétypales et en déploie de nouvelles qu’il relie au contrôle de son  corps pour devenir un héros non-violent. Un spectacle fascinant,  amplifié par les sons des objets, des mouvements et de la respiration !  

Il est seul avec son axe comme partenaire et se met à tournoyer à l'infini, l'énergie sans cesse maintenue dans une fluidité continue. Danse du tourbillon, de l'aspiration vers la gravité, de la torsade et de la vrille. Ses bras l'enveloppent, le caressent, le protègent, tel une peinture d'Egon Schiele, quelque peu acrobatique dans des figures et attitudes incroyables. Puis devient arbre au tronc qui se noue et enlace son propre fut. Il s'écarte de son axe vertical , vis ou chignole aspirante, siphon avaleur de gravité, pour affronter les quatre points cardinaux en autant de fendus en tierce et de figures voisines et apparentées aux arts martiaux: en en prenant l'énergie et la qualité de mouvements très respirés, sentis, habités.En manège de capoeira ou de vocabulaire classique ou circassien .Derviche tourneur inspiré par les sons de ses pieds rivés au sol, les glissements furtifs ou appuis de ses plantes des pieds bien ancrées. Toupie lancée dans des réverbérations de tours et rémanences optiques. 

Un marteau et son maitre

Au tour d'un partenaire de faire duo avec un marteau au long cou, Vantournhout s'emparant de cette prothèse pour créer à nouveau tours et contours de son corps en spirale. L'objet le guide, le conduit, l'induit dans des courbes et cercles magiques dignes d'un chaman. Rituel païen de toute beauté, le souffle animant ses courbes à l'envie. Marteau rigide qui peu à peu s'assouplit et lui impose d'autres mouvements flexibles. Allumeur de réverbère, laveur de vitre, balayeur, tantôt vers le sol, tantôt vers le ciel dans de beaux enlacements de gestes de qi qong. Torse nu, jupe culotte pour simple costume. Mouvements inspirés du monde du travail sans pour autant flirter avec le mime ou la reproduction . Il a le bras long notre héros Thor qui ne va pas de travers!

Des moulinets à vent pour un Don Quichotte circassien

Au tour d'un drapeau blanc, étendard ou bannière,simple tissus accroché à une perche, d'être complice de ce jeu entre corps et objet. La toile vibre, enfle, bruisse sous l'effet du vent et de l'air déplacé. Le jeu des appuis est sidérant, passant du maintien, à la prise, puis aux appuis sur le dos de la main. Comme une danse contact qui génère des épousailles avec le corps sans cesse impliqué comme support-surface. Une nouvelle Loi Fuller est née: tissus dansant au bout d'une tige pesante induisant un effort considérable de maintient et guidage.Des instants de grâce où le danseur interprète conte et raconte des récits épiques dignes d'une odyssée ou d'un bréviaire animé de héros mi-dieu, mi-homme. Une performance qui au final est douce caresse de la toile au dessus des spectateurs, en rond, autour de l'artiste. La banderole bruissant au dessus de nos têtes comme un signe, un appel au vent, au souffle, à l'effacement. Hissez le Pavillon blanc comme indice de paix et réconciliation.Vantournhout comme un électron libre fasciné par la gravité, l'attraction, la pondération. Extrême concentration d'un performeur hors du temps, dans le risque et le danger constant de perdre ses repères. D'un Don Quichotte et ses volis de moulin à vent débonnaires...Boussole déboussolante, hypnotique, enivrante, ensorcelante. Cap sur l’inouï et l'indicible sans une once de musique ajoutée. Les sons et bruits du corps et des objets comme orchestre de chambre. Tours et détours d'objets aimantés par une force divinement magnétique !

Au Maillon jusqu'au 6 JUIN

Alexander Vantournhout a d’abord étudié la roue simple, l’acrobatie et le jonglage à l’École Supérieure des Arts du Cirque (ESAC) de Bruxelles. Il a ensuite intégré l’école P.A.R.T.S afin de se former à la danse contemporaine et à la performance. Fondateur de not standing, il écrit le solo chorégraphique Caprices puis, en collaboration avec Bauke Lievens, le solo ANECKXANDER et Raphaël, son premier duo. Peu après suit Red Haired Men, sa première pièce pour quatre performeurs inspirée par la prose surréaliste de l’écrivain russe Daniil Harms (accueillie au Maillon en 2018). Après Screws (accueilli en 2021) et Through the Grapevine en 2020, Alexander Vantournhout crée Contre-jour en 2021 où il endosse pour la première fois le rôle de chorégraphe et donne la parole à un groupe de cinq interprètes venues d’horizons multiples. Très atypique, son langage scénique se caractérise notamment par la recherche du potentiel créatif dans la limitation physique et la relation entre performeur et objet.

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