samedi 8 juin 2024

"Foreshadow" , Alexander Vantournhout fait le mur, murmures d'escapade.


 Une surface verticale est un défi lancé aux danseur·euse·s, dont la gravité contraint toujours le mouvement. Ce défi, Alexander Vantournhout le relève en faisant du mur le point d’appui des corps et le point de départ d’une chorégraphie originale. Avancé jusqu’à quelques mètres du public, le fond de scène devient un partenaire de jeu pour huit artistes contraint·e·s de réinventer les moyens de l’équilibre en s’inspirant du mouvement des geckos. Le groupe devient le moyen de réaliser des figures acrobatiques que toute verticalité exclurait normalement, une autre manière de dire, sur le mode symbolique, la nécessité de la collaboration : lorsque l’entraide devient la condition de la réussite, la danse devient un contre-modèle aux idéologies de la concurrence. Une musique rappelant le rock et le punk, littéralement vivante, accompagne la perpétuelle recherche de l’équilibre par ses variations de rythme et de volume. Avec Foreshadow, le mur n’est plus un obstacle mais au contraire le moyen de déployer les possibles du mouvement.

Ca démarre au quart de tour à partir d'un trio qui s’enchevêtre à toute allure bientôt rejoint par un autre partenaire qui vient s'adjoindre à ce tissage de corps-relais qui n'a de cesse de continuer ces entrelacs. En autant de combinaison de corps possibles...Puis c'est au mur de prendre la parole: en réception, adhérence et scotchage garanti sur une paroi, mur aimanté pour insectes grimpants! En plongé, sans ligne de fuite ni perspective, la profondeur est réduite, l'effet d'optique saisissant. Des accrochages pendulaires, des courtes échelles, des cordes comme des draps noués, se balancent. L'illusion est constante donnée à ces corps épinglés ou suspendus à des cimaises invisibles. 


Tissage et plessis, nattes, tresses végétales, lacets, noeuds, treillis entremêlés comme figures de prouesses virtuoses.La paroi murale comme support-surface, appui et rebond. Cette vannerie savante fonctionne en pyramide, en socle ou reposoir d'attitudes en construction constante, en énergie végétale d'osier souple, flexible. La matière corporelle se confondant avec un tonus ruisselant. Pas de coupure pour ce plan séquence, ce travelling très cinématographique où tout est réglé au cordeau. Un sans faute ni faille pour cet opus de haute voltige ou le trapèze volant n'est plus un agrès mais une chaine corporelle solidaire, en toute confiance. Des reposoirs éphémères pour tremplin, des figures de proue comme postures fugaces et très poétiques. Des images se forment à foison. 


Le tout dans des couleurs bleu-vert variables, des lumières et ombres portées de toute beauté.Un solo d'une interprète se détache, les mains et bras en adhérance au mur..Les séquences s'enchainent dans une logique implacable, l'écriture de Vantournhout se précise, s'affirme, se renouvelle sans cesse. Sans rature ni retouche, la bobine se dévide en torsade et sur le métier à tisser du geste, les engrenages sont bien huilés. Chateau de cartes fragile, sculptures mouvantes, voici une imagerie d'Epinal, un abécédaire en enluminures dignes d'un Codex savant. On songe à Abracadabra de Philippe Decouflé, ex circassien, magicien de l'apesanteur.Encore un manège de roulades au sol, une ascension de la paroi vertigineuse, une échelle de corps qui grimpe et ne rompt jamais...Cette "annonce" comme un indice de préfiguration dans un conte d'anticipation prévisible où l'imagination rendrait les corps en suspension, hors sol pour le meilleur de l'évolution humaine: dans une galerie de créatures sportives et musclées vers un avenir proche d'adaptation.

Au Maillon jusqu'au 8 juin

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Hypnotique ! Une précision de montre suisse! 😍

Anonyme a dit…

Yep vraiment saisissant génial. Manamimatoon

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