jeudi 23 janvier 2025

"Cécile": chapitreries et autres facéties en têtes de gondole.

 


Il y a des rencontres qui changent des vies. Rencontrer Cécile Laporte, écologiste, porno-activiste, porte-parole de mouvements squat en France ou défenseuse des droits des migrants a changé la vie de Marion Duval. Celle-ci témoigne : «Je me suis immédiatement sentie chez moi auprès de Cécile. Sa générosité sans bornes et sa joie contagieuse m’ont permis de briser des barrières et des peurs qui étaient profondément ancrées en moi. Un peu par gratitude, un peu pour partager tout ça avec le public, j’ai voulu lui dédier un spectacle.» Elle a fini par le lui confier entièrement. 


À la fois spectacle, performance et personne, Cécile porte en elle mille vies, une conteuse hors pair et toutes les raisons de lui dédier un spectacle.  

Héroïne de ses propres histoires, elle les raconte sur scène, avec simplicité et humilité, pour le plus grand plaisir du public. « Cécile fait fleurir les gens autour d’elle », comme ces rencontres qui changent des vies. Écologiste, porno-activiste, spécialiste en psychotropes thérapeutiques, porte-parole de mouvements squat en France, clown en hôpital ou défenseuse des droits de personnes réfugiées, Cécile mène ses combats, en autodidacte, avec ses fragilités et sa fougue généreuse. Sans filtre et pleine d’autodérision, elle nous livre ses aventures, ses souvenirs et ses batailles contre l’insupportable complexité du monde dans une performance-vérité où elle accepte de jouer son propre rôle. Libre de déborder, elle navigue à travers les différents tableaux de sa vie, accroche le public par son authenticité, on la suit, comme on suit une odyssée, avec tout ce que ça a de jouissif !

 Un chapitre peut en cacher un autre: pour preuve ce show titanesque que nous livre une performeuse de charme et de tonicité: Cécile Laporte qui trans-porte son public dans un flux continu de mésaventures autobiographiques, très stylées. Concentrée sur son vécu, dans une parole franche, un langage châtié, cette femme, monstre de malice et de répartie, tient le plateau plus de trois heures, variables selon les commandes de sa metteuse en scène en direct. Jeu de malin, jeu de vilaines car les saynètes qui s'enchainent comme un collier de perles à inventer vont bon train. 


Ainsi après une brève introduction bon-enfant des règles du jeu, le spectacle démarre en trombe. Personnage au plus près du corps et des pensées de Cécile, cette créature, être solide et campé de toute la carrure sculpturale de Cécile nous tient en haleine.Elle navigue de tableau en tableau à l’instinct, l"improvisation et son extrême réactivité aux consignes éditées par des cartons soulignant le thème de chaque "chapitre". Comme autant de nouvelles ou courtes écritures qui se lisent en tout sens. On retiendra le passage sur le clown, où la comédienne incarne son propre rôle de "clown à l'hopital" avec un humour noir à la Desproges. Jeu interdit quant au contenu cinglant autant que tendre d'une thérapeute de choc aux prises avec un malade. Lèves toi et marche sans condition ni empathie en font un sketch désopilant et sans gant de velours...Femme aux multiples facettes, mante religieuse autant que mère aimante, passe au crible psychanalyse, entretien, monologue, seule en scène sur sa chaise: en jean, pantalon et veste, là voici qui vante les bienfaits érotiques d'une couture de jean bien placée en entrejambe: on ne perd pas son temps précieux avec elle qui nous tient sans devenir otage de sa destinée hasardeuse: yi-king du choix des scènes pour amuser ou méduser son public: invité à réagir, argumenter ou lancer quelques proverbes de bon ton. 


La sympathie qu'elle engendre conduit à une fidélité d'écoute et d'attention. La scénographie prend soudain le dessus lors de deux séquences sur le sexe et le groupe; un amas de corps, poupées de chiffons se débat dans des poses hallucinées, alors que des lumières bleutées en font une toile vivante, sculptée, dansée. Au final , c'est le faciès récurent en 3D qui s'incarne en visage surdimensionné, deux mains énormes animées par deux manipulateurs pour clore cette parole au flux incessant. Très belle icône terminale pour tenter d’arrêter cette tornade voluptueuse de dires, d'aveux, d'histoires tonitruantes.Telle une image de Jaume Plenza, la tête est homme à la tête qui se prend le chou...

Sauf que les yeux exorbités se déverrouillent, que des mains de papier mâché s'en mêlent et que le spectacle est soi-disant terminé. Carnavalesque figure de proue qui crache ses confettis!Cécile porte sa croix au final entre deux marionnettes géantes: étape ultime de ce chemin de croix, station qui pèse sur ses solides épaules architecturées pour un corps massif et percutant.

On continue au pot de première à s'entretenir sur la composition de la pièce: quelques secrets de fabrication à ne pas dévoiler pour apprécier pleinement le talent de Cécile que l'on quitte à regret. Hydre à deux têtes, Cécile Laporte et Marion Duval, se font ode au corps pensant devant nous, tête froide et coeur chaud, est un délice gourmand à consommer sans modération.

Au TNS jusqu'au 1 Février

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