samedi 25 janvier 2025

"GPO Box No.211" : Chun Shing Au architecte du désastre

 


Comment communiquer par-delà les murs et les systèmes ? En dépit de la censure et de l’enfermement, Chun Shing Au et son ami Siu Ming ont échangé des lettres. L’un vit libre en Europe, l’autre a été emprisonné pour avoir pris part à la contestation en faveur de la démocratie à Hong Kong. Partageant leur quotidien, leurs rêves, les contraintes qu’ils rencontrent, utilisant l’adresse qui donne son titre au spectacle, ils apprennent à lire entre les lignes dans une langue qu’ils ont inventée pour échapper à la censure et qui s’est faite peu à peu poétique. À partir de ce matériau précieux où la proximité amicale et le souci de l’autre s’opposent à l’éloignement géographique et politique, Chun Shing Au a composé une performance intime qui invite à l’attention, un théâtre d’objets fascinant dans lequel le papier devient son partenaire de jeu. Il propose une réflexion visuelle sur la privation, la contrainte et l’isolement autant que sur la force et les limites de notre propre esprit pour les dépasser.

L'iceberg et les oubliettes

Le sol du plateau est jonché de papiers blancs froissés, pliés comme voguant sur les flots. Certains s'animent de façon irrégulière sous un souffle qui n'est pas du vent mais un moteur invisible. Magie de la manipulation à distance. Alors qu'un jeune homme tout de blanc vêtu construit une architecture résolument moderne, sorte de maisonnée rigide, droite tectonique à la Mallet Stevens. Il se fond dans cet univers blanc et balaie savamment les scories blanches de papiers: des restes de lettres froissées, jetées après lecture comme celle qui nous a été confiée tout au début à l'entrée de la salle. Un immense pan de papier servira au reste du spectacle; déroulé comme une plaine géologique blanche immaculée, ce panorama se transforme en vallées et montagnes sous la tension et la pression des directives du manipulateur. Jusqu'à se tordre, se mouvoir comme un géant de corps carré bien campé, surdimensionné. C'est plastique très fort et l'impact des images crées est souligné et sous-tendu par les sons, bruissements des froissements. Une véritable partition de bruitages faits de papier qui résonne et prend le relais. L"artiste performeur se love dans son réceptacle et en fait un monstre se cognant au mur dans une sorte de comique de répétition burlesque. Le paysage de papier est évocateur de la transmission épistémologique des deux partenaires du récit. Et cette architecture qui devient tête est symbole d'enfermement, de claustration, de bourrage de crâne. C'est la suggestion et la poésie qui l'emporte sur le tragique de l'évocation des brimades psychologiques de la rétention pénitentiaire.Chun Shing Au se déplace sur la scène avec agilité et sa seconde peau de papier lui impose des formes paréidoliques fantastiques. Monts et merveilles des plissements géologiques, courbes de niveau et autre tectonique des plis.Mais ici le choc est psychique et l'évocation de la perte et de l'épuisement physique sous la charge de la matière est souveraine.Au final un petit camion miniature déverse des douceurs désapprouvées par l'administration pénitentiaire: un moment de jeu poétique cependant tant les formats du plus petit au plus grand font contraste. Être manipulé revient à de l'obéissance.

Un exercice fort édifiant pour mettre en forme une icône d'un régime politique drastique et qui ne fait pas de faux plis.Laissez parler les "p'tits papiers"...Ceux là on un gout amer de MMS interdits

Au Maillon jusqu'au 25 Janvier.

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