dimanche 26 janvier 2025

Les Contes d’Hoffmann Jacques Offenbach : reflets d'un homme qui s'A-muse.

 


Alors que commence l’entracte du Don Giovanni de Mozart dans lequel triomphe sa maîtresse Stella, Hoffmann échoue une nouvelle fois dans la taverne attenante au théâtre, flanqué de son compagnon Nicklausse qui le suit comme son ombre. Échauffé par le punch, les chansons grivoises et la présence électrique de son rival Lindorf, Hoffmann régale l’assemblée présente avec le récit épique de ses amours passées. Olympia, Antonia, Giulietta : trois femmes qu’il dit avoir aimées mais que le sort – ou un mauvais diable – s’est acharné à lui enlever, comme si la même histoire douloureuse se répétait sans cesse. Mais n’est-ce pas le lot de tout artiste de réchauffer son génie avec les cendres de son cœur ? Foi de muse : si l’homme est grand par l’amour, le poète l’est bien davantage par les pleurs.

Maître absolu de l’opérette sous le Second Empire, Offenbach consacre les derniers mois de sa vie à la composition de l’œuvre la plus ambitieuse de sa carrière : un opéra aussi émouvant que divertissant, dans lequel le rire n’enlève rien au tragique ni à la beauté. Il compose ce tour de force musical sur un livret tout aussi magistral, réunissant pas moins de trois histoires dans la même histoire, avec pour protagoniste l’écrivain (et musicien) E. T. A. Hoffmann, devenu le héros de ses propres contes fantastiques qui ont tant marqué l’imaginaire romantique. Avec la complicité du chef Pierre Dumoussaud, Lotte de Beer revisite ce grand classique et signe une plongée vertigineuse dans la psyché et les fantasmes d’un artiste en lutte avec ses démons intérieurs.


L'opéra s'ouvre dans un décor de cabaret-taverne où tout va se jouer: mobilier traditionnel du lieu, parquet en trompe l'oeil, mur recouvert de tapisserie classique. La sobriété de la scénographie magnifie le jeu des chanteurs-acteurs remarquables de cet opus complexe centré sur les amours de Hoffmann. Chose remarquable, il y a des scènes entièrement jouées et parlées, dialogue ou monologue, loin des traditionnels récitatifs parlé-chanté. Ce qui confère à cette version de l'oeuvre un caractère théâtral bien trempé, une narration et un récit plutôt limpide. Les interrogations et questionnements du principal personnage, dialoguant avec les remarques et propos avisés de sa muse.Alors que la soprano colorature endosse les trois rôles féminins avec brio et virtuosité, le ténor lui aussi tient et prend la scène avec aplomb et perspicacité.


C'est Lenneke Ruiten et Attilio Glaser les piliers de ce spectacle fleuve, parsemé d'entremets parlés qui se taillent la part belle.Olympia devient poupée géante qui chante et exprime ses sentiments haut et fort et cette surdimension féminine est singulière et osée. La voix est superbe et virtuose et en plaquerait plus d'un au sol tant la verve et le charme sourdent du jeu vocal et physique de la cantatrice. Endossant trois rôles majeurs face à Hoffmann qui semble s'égarer dans la complexité psychologique de sa personne. Sans cesse sa muse en aparté devant le rideau baissé, lui conseille d'acter et non de rêver et de vivre de ses fantasmes. Lui, écharpe au cou pour se protéger va et vient dans cet espace, embrassant ses trois natures féminines qui le troublent et le bouleversent. Tandis que la musique d'Offenbach s'écoule jusqu'au bouquet final de la célèbre barcarolle tant attendue. Les choeurs s'y frottent tout de gris vêtus comme à un exercice d'unisson remarquable. Les costumes et le décor se fondent pour sublimer la présence des artistes et la mise en scène prend le parti de servir l'action plutôt qu'un parti pris esthétisant trop présent.

Le Philharmonique est remarquable sous la direction de Pierre Dumoussaud et le plaisir à suivre cet opéra bouffe très stylé en devient jubilatoire.Des moments de musique où l'on découvre Offenbach plus sage que survolté, au service d'un genre unique où l'opéra comique trouve une identité nouvelle. Lotte de Beer épousant les volontés du compositeur avec respect et considération. Théâtre musical de haute volée inégalée.


A l'Opéra du Rhin jusqu'au 30 Janvier 

photos klara beck

Direction musicale Pierre Dumoussaud Mise en scène Lotte de Beer Décors Christof Hetzer Costumes Jorine van Beek Lumières Alex Brok Réécriture des dialogues et dramaturgie Peter Te Nuyl Dramaturgie Christian Longchamp Chef de Chœur de l’Opéra national du Rhin Hendrik Haas

Les Artistes

Hoffmann Attilio Glaser Olympia, Antonia, Giulietta, Stella Lenneke Ruiten Nicklausse, La Muse Floriane Hasler Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto Jean-Sébastien Bou Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio Raphaël Brémard Crespel, Luther Marc Barrard Nathanaël, Spalanzani Pierre Romainville Hermann, Schlémil Pierre Gennaï La Mère Bernadette Johns Orchestre philharmonique de Strasbourg, Chœur de l’Opéra national du Rhin

Opéra fantastique en cinq actes.
Livret de Jules Barbier et Michel Carré.
Créé le 10 février 1881 à l’Opéra-Comique à Paris.


Nouvelle production.

Coproduction avec le Théâtre National de l’Opéra-Comique, le Volksoper de Vienne et l’Opéra de Reims.

 

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