dimanche 26 janvier 2025

"Penelope" de , Leonora Carrington / Giulia Giammona : Moi, je me balance...La femme aux manches vertes s'anime au grand damier absurde


 « Pensez-vous que l’on puisse échapper à son enfance ? Je ne le crois pas ». Ces mots sont ceux de Leonora Carrington, autrice et artiste plasticienne qui partagea la vie de Max Ernst avant la guerre et fréquenta ensuite Octavio Paz et Frida Kahlo au Mexique. Dans cette pièce aux accents surréalistes dont se saisit la metteuse en scène Giulia Giammona, Penelope est brutalement précipitée dans le monde des adultes au jour de ses 18 ans, laissant derrière elle un univers de conte de fées à l’abri des hommes, où c’est à son cheval à bascule qu’elle confiait ses pensées. 


En ponctuant sa mise en scène d’extraits d’enregistrements de Leonora Carrington et d’images d’archives, Giulia Giammona fait entrer en résonance la vie et l’œuvre, sans pour autant chercher à expliquer l’une par l’autre. Convoquant le jeu, la danse, des costumes aux tons oniriques et les notes d’une harpe, la mise en scène conserve tout le mystère d’un texte dont l’autrice disait ne pas avoir le temps d’être la muse d’un autre, trop occupée à se rebeller contre sa famille et à apprendre à être une artiste.

 
 
  • Ballade renaissance à l'ouverture de la pièce magnifiquement chantée en douceur, "Greensleeves" donne le ton: l'amour et la tendresse, le souvenir, la nostalgie et sans doute une certaine mélancolie. La balançoire suspendue aux cintres accueille dès le début le corps d'une femme à la longue chevelure. Icône de toute beauté avec une ombre portée quelque peu ensorceleuse. Sorcellerie ou possession que la pièce va déployer tout du long grâce à une scénographie envoutante tant les poses, postures et attitudes des personnages se font joyaux de plasticité. On songe à Kubin ou Max Ernst , Max Klinger ou James Ensor pour inspiration.
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  • max ernst femme chancelante

    Surréalisme naissant, situations absurdes: voilà la trame narrative de cet opus indescriptible tableau vivant d'une micro société affairée à faire des choses invraisemblables. Les silhouettes en noir et blanc, crinolines et visages masqués sont d'un effet saisissant, enrôleur, enjôleur.
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  • L'intrigue peut échapper mais peu importe , ce théâtre physique et visuel est digne Alors cette femme au voile vert qui déambule se fait incarnation d'un spectre errant, d'un ectoplasme égaré d'un tableau aux cimaises d'un musée imaginaire. Comme l"élue d'un futur Sacre, sacrifice sur fond de plateau de jeu d'échecs ou jeu de dame. Un damier damné de toute part et dédié à un sacrifice rituel imaginé.Les personnages se démultiplient, le visage et la voix d'une ancêtre d'abord invisible puis en gros plan à l'écran incarnent souvenirs, mémoires et digressions savantes et réalistes sur la vie: son souffle, l'amour comme moteur de la passion qui anime plus d'une heroine. Une atmosphère très onirique plane en suspension. Entre théâtre, danse et musique, l'oeuvre ainsi donnée à voir est empreinte de lyrisme et de félicité. Rêve ou réalité, on ne se questionne plus tant la fusion des genres et disciplines est réussie. Et les corps et chevelures, les tissus largement déployés entament un récit physique où l'empathie gagne celui qui regarde par le verrou, intimes scènes de famille reconstituée. 
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  • Leonora Carringgton et Giulia Giammona, soeurs et complices de ce petit bijou multiforme où la balançoire oscille entre divan et échafaud, siège léger de passions et d'assises d'une révolution amoureuse possible. "Greensleeves" comme pendentif d'une femme à la perle qui nous regarde intensément. Et la harpe de distiller ses notes nostalgiques et pénétrantes dans nos rêveries à la dérive.La table est mise pour le diner ultime du souvenir...

Au Maillon les 24/25 Janvier

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