Fascinée
par la frénésie qui s’empare des journalistes au moindre match ou ligne
droite dans un stade, Marine Colard fait des commentaires sportifs le
fond sonore d’une chorégraphie athlétique. La jeune comédienne formée au
théâtre physique a recruté pour coéquipière Esse Vanderbruggen. En
s’époumonant avec exubérance, elles se lancent dans des postures
olympiques, convoquant natation, haltérophilie, escrime ou encore ski
alpin. Dans cette recherche autour des liens unissant enjeux
chorégraphiques et textuels, les exploits gestuels vont de pair avec la
surenchère passionnée des commentateurs, souvent risibles dans leur
propension à s’enflammer. Le Tir Sacré tend un miroir à la
compétitivité inhérente au capitalisme, celle qui nous enjoint à nous
dépasser, à aller toujours plus haut, plus vite et plus fort.
On croirait Léon Zitrone, le roi des commentateurs de match de foot et autres sports collectifs où le public s'engage comme fan ou houligan. Frédéric Voegel chauffe la foule avec ferveur et enthousiasme en direct.C'est dire le rôle de ce dernier dans le tout début du show annoncé. Commentaires toniques à suspens, rythmés qui s'emballent et débordent de leur cadre. On nous tient en haleine 10 bonnes minutes durant, le temps d'installer une ambiance survoltée de début de match. Le plateau reste vide alors que les deux vedettes annoncées se font désirer. Et oh surprise, les voici apparaitre discrètement, les gestes au ralenti dans une grande modestie, un effacement certain. Leurre ou pas, elles se considèrent modestement, short et baskets, physiquement très différentes: l'une gracile et longs cheveux noués, l'autre forte et robuste, taillée comme une sportive entrainée. Contraste mais gémellité de leurs évolutions, front contre front , leur seul contact qui les guide. Belle démonstration de solidarité dans un monde plutôt voué à la compétition. Tout va de plus belle avec moultes évocations de gestes sportifs, transgressés par la chorégraphie et la mouvance soignée des deux interprètes.On reconnait la décomposition des positions et postures à la Marey ou Muybridge dans une séquence vouée à la vélocité, la vitesse et la rémanence des images . La "locomotion" revisitée en art chorégraphique!Tout va de plus belle dans un rythme effréné, voisin d'un esprit sportif de précipitation et d'efficacité. Les deux compères-complices occupant le plateau à de savantes positions, arrêt sur image comme de très éloquentes photographies de sports. On passe en revue toutes sortes de gestuelles, évoquant tennis, foot et autres disciplines. C'est drôle et rondement mené et questionne de plein fouet les sources gestuelles, l'inspiration mimétique du mouvement.
Marine Colard et Esse Vanderbruggen au top modèle pour la conception de la représentation anti sexiste du sport et de la danse du coup mêlés sur la surface de réparation bien méritée. Et Sophie Billon pour animer le show en toute complicité. Le tir en ligne de mire sur une cible convoitée, entre intellect et corporéité interrogés.Un tableau de famille au féminin, photo de groupe taillée dans du carton surdimensionné où les heroines prennent place, pour clore dans l'immobilité médusante ce show déglingué.
A Pole Sud les 22/ 23 Janvier dans le cadre du festival "L"année commence avec elles"
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