Un "opéra du temps réel": un genre nouveau dont la mise en scène d'Antoine Gindt, sur une musique signée Sebastian Rivas, fait "mouche".
Un épisode à la fois désopilant et grave de l'histoire (les destins croisés de Pinochet et Thatcher) fait office de livret, d'intrigue qui se tisse au long de la pièce.C'est l'ouverture tragique qui donne le ton: Un conscrit victime de la guerre et de la dictature est quasi enseveli dans un linceul blanc transparent qui dévoile peu à peu le corps meurtri et la voix rauque de ce dernier gisant au sol. Il est filmé en direct par un caméraman de tv, symbolisant le voyeurisme des médias et leur hégémonie dans la communication à outrance de l'horreur.Les personnages se campent doucement, les héros de l'histoire, lui tout en jaune et en déchéance dans son fauteuil roulant, elle bien en chair dans son tailleur vert olive très apprêté.
Autour d'eux gravitent une infirmière britannique très sexy et un aide de camp chilien qui esquisseront le plus sensuel des tangos politiques et érotiques de l'histoire. Et toujours trois caméramans qui filment en direct les événements, projetés sur un écran géant. Ils filment l'envers du décor et nous le restituent à l'endroit, alors que les personnages s'adressent au fond de scène: les coulisses de la politique, incorrectes, et obscènes (hors de la scène) s'affichent indécentes et triviales. Humour et comique de situation s'en dégagent à l'envie et l'on sourit devant tant de désespérance et de ridicule.
La musique interprétée par l'ensemble Multilatérale est forte et bordée d'interventions électroniques live, conférant au tout une actualité qui s'inscrit dans le courant de l'histoire, caustique.
Un regard décapant sur le monde politique régi par l'absurde et le grotesque.
Le tout servi par des chanteurs de taille: Nora Pedrocenko, Mélanie Boisvert (très bonne danseuse également), Lionel Peintre, Thill Mantero dans les rôles titres.
Ce soir là le spectacle enregistré par la chaine Szenik et Ozango productions.prenait tout son sens: mise en abime d'une création sur les médias, mise en boite en direct pour une restitution qui s'avère délicate: les "images des images", les points de vue filmés qui se filment en miroir....
La soirée avait démarré avec l'ensemble Linéa sur des partitions de Filidei et Romitelli et succédait à deux moments de taille, la veille au soir, le concert de Pascal Contet, accordéoniste hors pair au souffle magistral pour mieux servir Hurel, Jodlowski, Scarlatti, Robin et le concert de l'ensemble intercontemporain qui "caressait l'horizon" de Hector Parra et incissait "Incises" de Boulez.
Des soirées musicales hors du commun pour régaler un public fidèle et nombreux
Les deux dernières "touches" de Robert Cahen en prime, "L'entraperçu" de 1980, légère faille où se glissent des images colorées, dissimulées derrière le voile du phénomène, ce qui ne se voit pas mais existe et se révèle
"Sanaa, passages en noir" de 2007 est également une œuvre vidéo atypique: des femmes en noir, voilées du Yémen, défilent, passent, vaporeuses, de noir revêtues, inlassablement dans une rue ensoleillée partiellement. Quelques figures masculines remontent le temps dans cette unité de lieu et de temps: la rue témoin d'une culture, d'une civilisation où la musique de Bach nous rappelle l'universalité du monde.
Une ode à la beauté où telles des ghost noirs, les femmes dansent et parviennent au sommet du lyrisme, malgré la condition servile qui masque leur devenir.Une réalité fantasmée par l'écriture très picturale du plasticien de l'image-son, Robert Cahen
samedi 5 octobre 2013
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