vendredi 26 septembre 2014

MUSICA :ouverture!

Heiner Goebbels pour l'ouverture de la programmation du festival MUSICA de Strasbourg!

Spectacle-installation inqualifiable tant la beauté du dispositif prête au songe et à la rêverie, au fantastique.
Au Théâtre de Hautepierre la surprise fait son effet: sur scène trois réservoirs d'eau comme dans un chantier; un immense bassin de lumière en trois sections va se remplir d'eau, devenir source de reflets, de lumière, de mouvements aquatiques, voisins de geysers, tumultueux.On retrouve la griffe du plasticien scénographe visionnaire, Heiner Goebbels avec ravissement. Les sculptures lumineuses, l'univers aquatique répondent aux sonorités diffusées dans l'espace, les volumes.Pas de corps, ni de musicien, mais une machinerie infernale à la Tinguely, cependant très ordonnée, très esthétique.
Un univers des temps modernes, sans chauffeur où la mécanique règne en majesté.Théâtre musical par excellence, oeuvre plastique et visuelle comme un tableau animé des meilleures intentions sonores, voici cette oeuvre de 2007, réactivée à nos mémoires, reprise pour sa beauté plastique, sa richesse sonore. Univers fantasmé par l'absence humaine, par la mécanique futuriste de ces machines pianistiques, comme autant de sculptures mises à nu: un petit beaubourg à la Renzo Piano!
Pianos "acqueux" bien trempés et préparés à une cérémonie dantesque et diabolique!Les exo-squellettes des instruments à percussions dressés sur le plateau, parfois dissimulés par une tenture opaque dressent un panorama étrange et singulier.
Le dispositif avance et recule selon la tension de la musique égrenée et l'eau tumultueuse ou calme dans les trois bassins nous transporte dans un ailleurs insécurisant.
Comme un immense buffet d'orgue, cette installation, mécanique du diable: Klaus Grunberg signe la scénographie la lumière et la vidéo de ce magnifique être , géant manipulé par des forces telluriques énigmatiques.Légende d'aujourd'hui et pas conte de fées, voici une oeuvre resurgie pour frissonner à souhait!
Qui va sano, va piano!
Stifters Dinge (Les Choses de Stifter) est une œuvre pour piano sans pianiste mais avec cinq pianos, une pièce de théâtre sans acteur, une performance sans performer — un non one-man-show ou peu importe la dénomination que l’on choisira. Avant tout, il s’agit bien d’une invitation faite aux spectateurs à entrer dans un monde fascinant, plein de sons et d’images, une invitation à voir et à entendre. Au coeur de tout cela, une attention est portée aux choses qui, dans le théâtre, ne jouent qu’un rôle illustratif, le plus souvent comme décor ou comme accessoire, mais qui sont ici les personnages principaux : la lumière, les images, les bruits, les sons, les voix, du vent et du brouillard, de l’eau et de la glace. Il existe dans ce travail — et le titre l’indique — des points de rencontre avec les textes d’Adalbert Stifter, un romantique de la première moitié du XIXe siècle.

"Burning bright"
 Succède le concert au TNS avec les percussions de Strasbourg: un puissant "Burning bright", une création mondiale pour le groupe de Hugues Dufourt.
On retrouve avec enthousiasme et impatience la formation légendaire percussive,dans une configuration scénique en demi-cercle, le plateau occupé par une multitude d'instruments hétéroclites autant que "classiques".
Ambiance feutrée, fine et subtile pour rendre visible et perceptible  "The tiger", l'un des plus célèbres poèmes de la littérature anglaise de William Blake.Style tragique et visionnaire qui se plait à flirter avec les mille et une sonorités des percussions.
Multiples timbres et résonances, amples, diffus, dessinant un espace sonore inédit, étrange.
Secousses telluriques, sismiques et très tectoniques pour une œuvre inspirée par le profondeur universelles de la poésie, sans récit ni anecdote.Un spectacle aussi, grâce aux visions de science fiction qu'offre  ce déferlement de gestes des interprètes virtuoses de ces percussions surprenantes: un bac d'eau scintillant où parfois le musicien plonge ses plaques de cuivre résonantes....Une empathie singulière s'installe , une communion unique se forge tout au long de la prestation avec la tension, l'attention des musiciens sur le plateau, sur le fil d'une dramaturgie musicale faite de sons en couche, en strates qui gravissent les parois sensibles d'une audition collective en sympathie
Du grand art pour cette performance saluée chaleureusement par un public, ce soir là, conquis par l'atmosphère apaisée, douce et planante des oeuvres proposées.
Des univers visuels et fantastiques au coeur de la création contemporaine!


Depuis le milieu des années 70, Les Percussions de Strasbourg et Hugues Dufourt entretiennent une relation complice. Près de quarante ans après Erewhon, le compositeur leur dédie une nouvelle œuvre phare.
 
En 1977, à Royan, la création de Erewhon pour six percussionnistes et 150 instruments marque l’avènement d’un compositeur de trente-quatre ans et inaugure l’ère des grandes pièces pour percussions, ces symphonies modernes déjà expérimentées par Edgar Varèse ou encore Iannis Xenakis.
Grâce à cette partition extraordinaire, Hugues Dufourt, compositeur, philosophe, chercheur, entretient à l’évidence un rapport personnel et historique avec le groupe de Strasbourg et son prodigieux instrumentarium. Il n’avait pourtant pas remis l’expérience sur le métier, à l’exception de la brève Sombre journée (composée peu de temps après Erewhon en 1976-77) et, en 1984, La Nuit face au ciel, créée cette fois-ci par d’autres jeunes percussionnistes.
Burning bright est donc à la fois un retour aux sources et une nouvelle exploration de ce continent infini qu’est la percussion.
Hugues Dufourt donne quelques clés pour appréhender cette œuvre nouvelle sur laquelle il travaille depuis 2010 : réflexions autour du geste (tailler, assembler, déplacer et briser), sur les modes de jeu, sur les associations instrumentales et la substance sonore. À ces objectifs théoriques correspondent des objectifs artistiques qui combinent essence de la percussion, temporalité, essence de la composition et esthétique.
Avec ce dernier point, Hugues Dufourt définit en quelque sorte le contour de son projet : « L’esthétique récente a souvent pris l’entropie pour un principe libérateur, alors qu’elle ne faisait que consentir à la pulsion de mort et sombrer dans un univers anomique et dépressif. Le propre de la percussion est au contraire de tirer son pouvoir d’émergence de son exploration des profondeurs. »
 

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