MOISE ET AARON
Musica ouvrait ses portes Vendredi 21 Septembre, en aphothéose avec l'opéra, version concertante de "Moise et Aaron" de Schoenberg!
Magistralement interprété par le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden et le EuropaChorAkademie, cet opéra inachevé de 1923-1937 atteint un summum de densité musicale, d'impact de par l'opacité de la musique, puissante quelque part monolithique Prodige de la composition sérielle (une seule série de douze sons est déclinée à l'infini), cet opéra virtuose est le fleuron de la modernité de Schoenberg.La musique est puissante, les flots de souffle du chœur, leur massive présence confèrent à l'œuvre un caractère magistral.Un effet à vous couper le souffle.Les solistes, tous au plus près d'une interprétation sobre et dénuée de pathos, se lancent dans l'évocation très spirituelle de ce retour au thème religieux:une méditation sur la foi, le doute et l'interrogation de l'homme face à son destin.Ce sujet biblique est une révélation pour Schoenberg de son identité juive et l'amène à composer un chef-d'œuvre de musicalité périlleuse et sincère.Un moment très intense en ouverture de festival!
KAMMERENSEMBLE NEUE MUSIK BERLIN
L'ensemble berlinois s'attèle à l'interprétation de compositeurs français avec Dusapin, Hurel et les nouvelles générations, Bedrossian, dUMONT? Bertrand.
Le "Trio Rombach" de Dusapin étincelle par son coté très influencé par "l'est européen" et rivalise de surprises et d'inventivité, comme à son "habitude".
Alors qu'avec Franck Bedrossian (L'usage de la parole)ou Philippe Hurel (Ritornello in memoriam Luciano Berio) on s'interroge sur la question des écoles, largement dépassée et doublée par la diversité des esthétiques et des influences internationales.
Aurélien Dumont avec "Berceuse des poussières" offre un morceau étrange, doublé par une bande son, des plus discrète, doublant le live dans les interstices laissé par les souffles ou les silences."Hendeka" de Christophe Bertrand nous rapelle à la mémoire du jeune compositeur de génie, avec bonheur.
MONADE
Étrange dispositif scénique: comme un morceau de banquise échoué, en débandade, en naufrage, un bloc opaque emplit le centre de l'espace scénographique: le public est assis autour dans une petite salle intime du conservatoire de Strasbourg.Proposition de Laurence Marthouret, danseuse et performeuse, sur une musique originale de Patrick Marcland, cette pièce très originale décline à l'envi, l'absence, l'apparition, la disparition, la perte du corps. Nue derrière ce paravent, la danseuse incarne e "monade", cette "substance simple et active qui constitue l'élément dernier des choses et qui est douée de désir, de volonté et de perception" selon Leibnitz.
Des images curieuses s'étirent et se fondent sur les parois translucides d'un volume pentagonal.
Le corps se révèle par instants, des traces flottent comme un flux aquatique qui renforce cet état de fluidité compacte.La mutation des formes comme autant de métamorphoses d'un corps présent-absent, dessine les contours d'un univers onirique, spatio-temporel hors du temps.
La musique distille du son spatialisé autour de l'auditeur-spectateur, hypnotisé, capté par les effets de contorsion des formes. Volutes, spirales, confusion et leurres se régalent pour transporter dans un monde en 3 D la magie de l'artefact.Laurence Marthouret invente ses états de corps et cherche à transmettre leur matérialisation dans ce très complexe dispositif interactif:: la danseuse interagit, grâce à un plancher sensible avec la matière de l'image qui cherche à envahir et déranger les formes initiales.
Du mystère et du suspens naissent ainsi de cette installation interactive très poétique et sensible
ICTUS
Ictus: seize musiciens hors pair, fidèles de Musica nous reviennent pour interpréter Mitterer, Filidei et Cendo dans leur verve habituelle et leur présence scénique si "contagieuse" et empathique.
Résultat: un concert brillant tonique, ébouriffant comme il se doit.
Avec "Ballata n° 2" de Francesco Filidei, c'est la relation au politique, au poétique et au tragique qui émane d'une écriture musicale agitée et bruissante.
Wolfang Mitterer et son "Little Smile" en création introduisent l'électronique live et l'improvisation pour renforcer une démarche de responsabilisation ultime des musiciens et une adaptation constante avec les nouveaux moyens technologiques de création.C'est convaincant et la musique éblouit par sa luminosité "orchestique".
Raphael Cendo pour "Carbone" dédit son œuvre aux interprètes qui s'en emparent avec brio: flûte contrebasse, guitare et trompette "préparée" se mêlent pour brouiller les pistes de la perception sonore: on y perd ses repères et c'est tant mieux car ce "carbone" brûle et ses scories incandescentes frémissent encore dans la mémoire sensorielle.
Ictus rayonne dans ce programme généreux et iconoclaste en Diable.
LIMBUS LIMBO
Un spectacle, opéra Apéro-bouffe en sept scènes de Stefano Gervasoni.
Pour les 50 ans des Percussions de Strasbourg, voici un projet original et décoiffant: une petite cuisine de grands chefs menée tambour battant dans la joie et avec verve par chanteurs-acteurs et musiciens. Comme un gout de revenez-y car c'est bon et ce sera encore meilleur bien mijoté avec le temps.L'argument est loufoque à souhait sur un fond politiquement très correct et surtout décapant.
La metteuse en scène Ingrid von Wantoch Rekowski s'inspire aussi du "limbo", cette sorte de danse acrobatique originaire de Trinité et Tobago pour caricaturer ce petit monde joyeux en proie au plaisir, à la fantaisie mais aussi au destin entre enfer et paradis: les limbes, cet espace incertain où le temps se déroule sans fin donnent lieu à un charivari détonnant: décor en plaque tournante et costumes extravertis à l'appui.
Les percussions de Strasbourg, disposées autour de la scène se jouent des difficultés musicales avec virtuosité et la scène finale, danse macabre désopilante offre un panorama débridé et sarcastique de l'humaine condition, entrainée par la camarde dans une danse infernale.
dimanche 23 septembre 2012
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