samedi 30 novembre 2013

"Liquidation" au TNS: les corps et les âmes meurtris ne dansent plus!

Une histoire, une mémoire, des destins qui se croisent...
L’éditeur Keserű est persuadé que son ami, l’écrivain B., a écrit juste avant de se suicider un ultime roman. Il se lance donc à la recherche de ce chef-d’œuvre. Peu à peu, tel un détective, il recompose la vie de B.…
Le texte d’Imre Kertész, prix Nobel de littérature en 2002, nous entraîne dans une enquête vertigineuse où l’écriture est intimement mêlée à la vie, où l’on découvre les rapports de fascination, de destruction, de passion et d’amour qui lient les êtres à cette énigme qu’est l’écrivain B.. Keserű découvre peu à peu que sa quête est celle de l’origine de l’être, de la création et, peut-être, à travers son œuvre, de l’immortalité.
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS,l a pièce est interprétée avec la troupe du TNS et mise en scène par Julie Brochen, directrice de l'institution.

"Liquidation" est une pièce noire, sombre sur le souvenir, la mémoire des camps d'extermination juifs. Auschwitz hante l'écrivain hongrois, Imre Kertész, qui a connu encore plus tard 40 ans de dictature communiste.
C'est dire si son corps est meurtri et sa langue "coupée" bafouée. Reste le théâtre, les écrits, les livres pour témoigner, rendre compte, donner vie à l'holocauste.
Beaucoup d'humanité dans cette pièce, cette "liquidation" avant fermeture des mémoires et d'un patrimoine historique pas topujours réjouissant.
Et pourtant, il y a beaucoup de tendresse et de recueillement, de respect, dans le jeu des comédiens, dans leur façon a eu de réagir, de vivre ce "théâtre en pensée", ce manifeste de la vie qui continue malgré tout, "malgré nous" au delà de la souffrance et de ses blessures affigées au corps et àl'âme
Non, on ne danse pas dans cette aventure théâtre, servie par un décor sombre, celui d'une bibliothèque d'archives où les livres sont autant de petites parcelles de vie, d'écrits contre l'oubli.
Comme une librairie où "le manuscrit" trouvé quelque part par notre éditeur revivrait un jour hors d'un monde censuré, méchant et analphabète.Croire en l'écriture, la revendiquer, oser la donner à lire en vertu des droits de liberté, contre l'étouffement. Corps et voix ligotés, bailllonnés, sans mouvement possible.
Le scribe de la bible, du judaisme qui envahit le propos du spectcle est celui qui gagnera et renaitra de ses cendres.
Une chanson, de la musique pour clôture de la représentation y donnent un ton d'espoir et André Pommarat, en guenilles de va nu pieds donne la note: on est bien vivants, liés, solidaires et la chaine qui se constitue en guise de final et de salut le prouve bien.Le mouvement peut renaitre, reprendre, délivré du joug de la dictature, de la contrainte, de tout ce qui a été bafoué: les droits de l'homme, donc le droit aussi de chanter, de danser, de s'exprimer!
Pas de liquidation sans inventaire avant fermeture.
Et si Julie Bochen passait ainsi le flambeau à d'autres, en prémisse à son départ regretté de l'institution TNS ?

"Liquidation" au TNS à Strasbourg jusqu'au 19 Décembre.
www.tns.fr

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